Bulletin d’information sur la situation au nord de la Syrie

Déc 5, 2024A la une, Actualités

Depuis le 27 novembre dernier, la guerre a repris en Syrie suite à une offensive menée Hayat Tahrir al-Sham (HTS) et de l’Armée nationale syrienne (ANS). Cette offensive a aujourd’hui amené à la chute du régime de Bachar Al-Assad et à la prise de contrôle d’HTS sur toutes les grandes villes de l’ouest du pays.

Néanmoins, si HTS a dirigé ses forces en direction du sud et contre le régime, l’ANS, sur ordre de la Turquie, s’est elle concentrée sur les régions de kurdes et s’est d’abord emparée de Shehba (Til Rifaat), une petite enclave au nord d’Alep puis de la ville multiethnique de Manbij. Plusieurs dizaines de milliers de Kurdes (pour la plupart déjà réfugiés de l’invasion turque d’Afrin en 2018) ont du s’enfuir et trouver refuge dans les territoires de l’Administration autonome démocratique du nord et de l’est de la Syrie (AADNES). A Sheikh Maqsoud et Ashrafieyh, quartiers kurdes d’Alep, la population et les forces de défense kurdes sont toujours présentes.

Le Rojava Information Center (RIC), une agence de presse indépendante composée de volontaires, basée dans le nord-est de la Syrie publie depuis le 30 novembre un bulletin régulier de la situation ainsi que des Explicatifs qui reviennent plus en profondeur sur des éléments de contexte. Nous les traduisons ici.

Pour un accès direct :

Bulletin d’information du 30 décembre

Bulletin d’information du 23 décembre

Bulletin d’information du 18 décembre

Bulletin d’information du 13-14 décembre

Bulletin d’information du 12 décembre

Bulletin d’information du 11 décembre

Bulletin d’information du 10 décembre

Bulletin d’information 7-9 décembre

Explicatif – L’offensive de la Turquie et de l’ANS sur Manbij

Bulletin d’information du 5 décembre

Bulletin d’information du 4 décembre

BULLETIN D’INFORMATION

SITUATION AU NORD ET A L’EST DE LA SYRIE

30 décembre 2024

Combats violents dans la région de Manbij alors que le bilan humain du NES dépasse les 250 morts

 

 

Faits principaux

  • Les combats au sol entre les Forces démocratiques syriennes (FDS) et l’Armée nationale syrienne (l’ANS) se concentrent dans les zones rurales à l’Est de Manbij, mais selon le commandant des FDS la menace turque sur Kobané « reste très élevée ».
  • Les communications entre les FDS et HTS se limitent à une « coordination sur le terrain » pour éviter les affrontements, mais aucune négociation concrète n’a été signalée entre les parties. Selon le porte-parole des FDS « la Turquie empêche le dialogue ».
  • Les opérations des FDS ciblent les positions de l’ANS dans la campagne de Serekaniyé, dans un contexte de répression des déserteurs par l’ANS.
  • Les organisations de femmes du nord et de l’est de la Syrie (NES) réagissent avec colère aux commentaires de la nouvelle ministre des Affaires féminines du gouvernement intérimaire syrien.
  • Depuis le 29 novembre, les attaques de la Turquie et de l’ANS contre le NES ont tué 175 membres des FDS, 2 combattants des Forces de libération d’Afrin (FLA), 13 membres des Asayish (forces de sécurité intérieure) et 69 civils (en plus de 60 civils blessés), soit un total de 257 morts, selon les données du RIC.

Les FDS et l’ANS – soutenue par la Turquie – s’affrontent dans la campagne de Manbij

  • De violents combats ont eu lieu à l’ouest de l’Euphrate. La contre-offensive des FDS a vu les affrontements au sol s’éloigner du barrage de Tishreen et du pont de Qereqozak. Ils continuent plus loin dans les zones rurales à l’est de Manbij, en particulier autour d’Abu Qalqal.
  • Les tirs d’artillerie de l’ANS et les frappes de drones turcs se sont poursuivies à proximité du pont de Qaraqozak.
    « La Turquie […] a violé l’accord de cessez-le-feu [précédent] et les avions turcs n’ont pas cessé de bombarder un seul instant », de sorte qu’« il n’y a pas de discussion sérieuse sur le cessez-le-feu avec la Turquie et de violents combats se poursuivent entre nos forces et les forces de l’État turc et de ses mercenaires ».
    Déclaration du porte-parole des YPG, Siyamend Ali.
  • De nombreuses vidéos ont circulé, prétendant montrer la présence des FDS à l’intérieur de la ville de Manbij – cela n’a été confirmé par aucun porte-parole des FDS, qui ont déclaré dans de nombreuses interviews récentes que les FDS se trouvaient encore à plusieurs kilomètres de la ville. Le commentaire le plus récent est celui de Shakir Arab, un commandant des FDS, qui a déclaré aujourd’hui à l’agence de presse locale ANHA que les FDS se trouvaient à 14 km du centre de la ville.
  • De nombreuses informations circulant sur les canaux médiatiques de l’ANS relataient une prise du barrage de Tishreen par l’ANS mais le porte-parole des SDF, Farhad Shami, a fait une apparition publique sur les lieux du barrage le 26 décembre afin de dissiper ces allégations.

Le commandant des FDS déclare que la menace turque sur Kobané est « toujours très élevée » ; les attaques turques/de l’ANS au-delà du centre névralgique qu’est Manbij se poursuivent

  • L’avancée des FDS a fait reculer les combats terrestres loin des points de passage cruciaux du barrage de Tishreen et du pont de Qereqozak, qui relient la région de Manbij à celle de Kobané. Le commandant en chef des FDS, Mazloum Abdi, a déclaré qu’« il y a un réel danger » d’attaque turque sur Kobané, au vu des « renforcements militaires turcs toujours en cours » et alors que la Turquie n’ayant pas répondu à la proposition des FDS d’une zone démilitarisée. Une source des FDS a déclaré au RIC que la Turquie « ne veut pas apparaître comme la seule partie qui insiste sur la poursuite du conflit en Syrie à ce stade » et qu’elle est donc « à la recherche d’un plan pour envahir Kobané sans faire l’objet de critiques internationales sévères et de sanctions américaines ».
  • La campagne de Kobané est bombardée quotidiennement par l’ANS. Le 28 décembre, un bombardement sur le village d’Aslanki a notamment fait des blessés parmi les civils.
  • Le 29 décembre un drone turc a bombardé une voiture dans la campagne de Tabqa, blessant deux civils.
  • Une attaque de drone turc sur une base des Asayish dans le village d’al-Hisha, à l’est d’Ayn Issa, n’a pas fait de victimes aujourd’hui. Mais les bombardements de l’ANS sur les villages proches de la ligne de front autour d’Ayn Issa se sont poursuivis.
  • L’agence de presse locale North Press rapporte que la police militaire de l’ANS – un organe mis en place par la Turquie censé limiter les pratiques criminelles au sein de l’ANS – a procédé à des arrestations contre rançon à Tel Rifaat, et qu’au moins 22 civils de Shehba ont été arrêtés, accusés de « collaborer avec l’AADNES », puis relâchés s’ils étaient en mesure d’effectuer un paiement.
  • L’organisation Afrin Human Rights a relaté des événements de ce type quasi-quotidiens dans l’ensemble de la région de Shehba. Selon cette organisation, les factions de la « Force conjointe » de l’ANS (les factions turkmènes Suleiman Shah et Hamza, toutes deux très proches de la Turquie) sont responsables de la plupart des violations des droits et des activités criminelles à Shehba et Manbij à l’heure actuelle.

Un calme tendu règne dans la ville d’Alep après un bref affrontement dans le quartier d’Ashrafiyeh

  • Un calme tendu règne dans la ville d’Alep alors qu’aucun affrontement n’avait été signalé entre les FDS et HTS. Néanmoins, deux miliciens de l’ANS ont récemment tenté d’entrer dans le quartier d’Ashrafiyeh, lié à l’AADNES, et ont été abattus le 27 décembre par des unités des FDS. Une bombe a ensuite été lancée depuis un véhicule de l’ANS en direction d’un point de contrôle des FDS à la lisière d’Ashrafiyeh le 28 décembre et les FDS ont riposté. Aucun autre affrontement n’a eu lieu.
  • « Deux personnes ont été tuées à Ashrafiyeh. Elles s’étaient présentées à un checkpoint des Asayishs pour entrer dans le quartier ». Les Asayishs leur ont dit « vous ne pouvez pas entrer si vous portez des vêtements militaires ». Les deux hommes étaient liés à l’ANS. Suleiman Shah et Muntasir Billah. Les Asayishs leur ont dit de partir et qu’ils ne pouvaient pas entrer. Les routes autour du quartier sont fermées par des barricades de terre. Ils ont alors voulu entrer dans le quartier en sautant par-dessus les barricades. Ils ont ensuite été tués, alors qu’ils tentaient de forcer le passage. Un jour plus tard, leurs proches sont venus se « venger ». Il ne s’agissait pas de membre HTS. Ils étaient liés aux factions soutenues par la Turquie. Ils ont lancé une bombe – un membre de l’Asayish a été blessé – mais en fait leur bombe n’a pas fonctionné correctement et l’un des trois a été tué, un autre blessé et un autre s’est enfui. Nous ne savons toujours pas quel était leur objectif en arrivant dans le quartier : semer le chaos et la division ? Ou autre chose ? Nous ne le savons pas. Ou peut-être les services secrets turcs leur ont-ils donné de l’argent pour faire quelque chose ? Mais je peux dire que [ceux qui gardent] les checkpoints autour de Sheikh Maqsoud et d’Ashrafiyeh font du bon travail. »
    Déclaration d’une source civile dans le quartier Ashrafiyeh à Alep.

Perspectives de dialogue entre les FDS et les HTS

  • Dans une interview, le commandant en chef des FDS, Mazloum Abdi, a déclaré que les négociations directes avec les HTS ne s’étaient toujours pas concrétisées et que les communications se limitaient à une « coordination sur le terrain » afin d’éviter les affrontements. Abdi s’est dit prêt à « travailler avec le nouveau gouvernement de Damas dans les opérations » contre l’État Islamique, dont les activités se sont intensifiées ces derniers temps. Très récemment une cellule dormante de l’État Islamique a attaqué un véhicule des Asayish sur la route entre Shaddadi et al-Dashisha, faisant deux blessés parmi les membres de ces forces de sécurité intérieure.
  • Le porte-parole des FDS, Farhad Shami, a affirmé que l’absence de dialogue entre les deux parties jusqu’à présent était le résultat des pressions turques : « La Turquie empêche le dialogue entre l’administration autonome et le gouvernement de Damas ».

Nouveaux développements dans la bande M4 (de Tal abyad à Serekaniyé) occupée par la Turquie

  • Le Conseil militaire des FDS de Serekaniyé commence de nouvelles opérations dans la campagne de Serekaniye occupée par la Turquie « en réponse aux attaques continues de l’occupation turque et de ses mercenaires ».
  • Les FDS ont indiqué avoir pris pour cible des positions de l’ANS à al-Rayhaniya, al-Qasimiya, Dibis, al-Aziziya, al-Arisha, Arbashin, la colline de Delshir, al-Manakh et al-Kunair.
  • L’OSHR (Observatoire syrien des droits humains), basé au Royaume-Uni, a rapporté que 20 miliciens de l’ANS ont tenté de retourner dans leurs régions d’origine et ont été rattrapés et arrêtés par la faction du Sultan Murad.
  • Une circulaire publiée par la « Force conjointe » de l’ANS proclame que tout milicien de l’ANS cherchant à quitter le nord de la Syrie pour rentrer chez lui sera arrêté – ou tué s’il tente de s’enfuir.

Les commentaires de la ministre des Affaires féminines du gouvernement intérimaire suscitent la réaction des organisations de femmes du NES

  • Lors d’une interview télévisée, la nouvelle ministre des Affaires féminines du gouvernement intérimaire syrien, Aïcha al-Debs, a déclaré : « Les femmes ne doivent pas dépasser leur nature essentielle [créée par Dieu]. Elles doivent prendre soin d’elles-mêmes, de leurs familles et de leurs maris », ajoutant : « Je ne laisserai pas d’espace à ceux qui ne partagent pas mon point de vue [sur les affaires féminines] ». Interrogée sur le rôle futur des femmes dans le système judiciaire, elle a répondu : « La constitution décidera, et la base sera la charia ».
  • En réponse, l’Union des femmes arabes de Zenobia a déclaré que « les femmes syriennes ont lutté et déployé de grands efforts pour parvenir à l’égalité et à la justice dans tous les domaines – social, économique, politique, militaire et d’autodéfense […] Aïcha a ignoré le rôle de premier plan joué par les femmes syriennes dans la révolution ». Pour elles Aïcha al-Debs veut limiter le concept d’autonomisation des femmes et restreindre le rôle des femmes dans la société.
  • L’organisation Sara de lutte contre la violence faites aux femmes a écrit que le point de vue d’al-Debs « exclut les femmes qui travaillent et occupent des postes au sein du gouvernement ». Elle a aussi déclaré que la position d’al-Debs, qui prône « un retour à la charia », n’est « pas digne de la lutte des femmes syriennes et ne reflète pas la diversité de la culture syrienne ».

BULLLETIN D’INFORMATION

SITUATION AU NORD ET A L’EST DE LA SYRIE

23 décembre 2024

 

Faits principaux

  • Les FDS lancent une contre-offensive au barrage de Tishreen, reprenant plusieurs villages entre l’Euphrate et la ville de Manbij.
  • Conditions de vie difficiles pour les personnes déplacées de Shehba ; l’UNICEF note la possibilité d’une nouvelle vague de déplacements à grande échelle si les combats éclatent à Kobané.
  • Le RIC recense 165 membres du personnel militaire, 11 Asayish et 68 civils tués dans les attaques de la Turquie et de l’ANR depuis le 29 décembre, ainsi que 73 civils blessés.

Les FDS avancent de Tishreen vers Manbij

  • Après deux semaines d’affrontements quasi-quotidiens autour du barrage de Tishreen et du pont de Qereqozak – alors que l’ANS, soutenue par la Turquie, tentait en vain de traverser l’Euphrate de la campagne de Manbij vers celle de Kobané – les FDS ont lancé aujourd’hui une contre-offensive et ont repris plusieurs villages entre l’Euphrate et le centre de Manbij. La contre-offensive se poursuit à l’heure où nous écrivons ces lignes et la situation sur le terrain évolue rapidement
  • Une source des FDS a déclaré au RIC : « [Autour du barrage de Tishreen] la situation des combats a un peu changé. Le Conseil militaire de Manbij (CMM) a commencé à attaquer l’ANS. Nous n’opérons plus à partir d’une position défensive. Nous avons également repris plusieurs positions.»
  • À Manbij, sous le contrôle de l’ANS, les conditions de vie des civils se sont encore détériorées ces derniers jours, avec une colère généralisée face au nombre croissant d’abus et de crimes commis par l’ANS.
  • Après le viol d’une fillette de sept ans dans la ville de Manbij hier, la tribu al-Bubna à laquelle appartenait la fillette a attaqué la faction de l’ANS responsable, Suleiman Shah, dirigée par le tristement célèbre Abu Amsha. Suleiman Shah est sanctionné par les États-Unis pour de « graves violations des droits de l’homme » et Abu Amsha est connu pour sa participation à des meurtres, des viols, des tortures, des enlèvements et au trafic d’armes.
  • Abu Amsha et le chef de la division Hamza de l’ANS, Abu Bakir, sont tous deux sanctionnés par les États-Unis en raison de leur implication dans des violations des droits de l’homme. Leurs factions ont mené l’offensive de l’ANS dans le NES ce mois-ci, et des photographies attestent de la participation des deux chefs à l’attaque de Manbij.
  • Dans ce contexte de pillages, de destructions, de meurtres et bien d’autres crimes commis par l’ANS, la tribu Bin Asid de Manbij a publié une déclaration indiquant que tout individu ou groupe pénétrant dans leurs villages pour commettre des exactions serait considéré comme condamné à mort.
  • L’association de défense des droits humains Hevdesti/Synergy a documenté les exécutions extrajudiciaires de combattants, les meurtres de civils, le pillage ciblé de biens kurdes, les arrestations arbitraires et l’extorsion de fonds par la SNA à Manbij, écrivant : « La récente attaque fait partie d’une série d’assauts continus sur le nord-est de la Syrie, où les Kurdes, les Arabes et diverses minorités religieuses, ethniques et nationales vivent ensemble. […] Ce qui se passe à Manbij n’est pas seulement un affrontement militaire ; il s’agit plutôt d’une grave violation des droits humains, visant en particulier les civils, et ouvrant la voie à des déplacements forcés systématiques. »
  • Le barrage de Tishreen reste hors service. L’UNICEF déclare : « Au moins deux millions d’habitants de la ville d’Alep et de la périphérie orientale sont confrontés à de graves pénuries d’eau. Cette crise est due à la suspension de deux stations d’eau essentielles. […] Cette interruption a privé de nombreuses personnes d’un accès à l’eau potable, ce qui a aggravé les conditions de vie déjà difficiles dans la région. Des mesures immédiates sont nécessaires pour réparer les stations d’eau ».
  • Le RIC indique qu’un total de 165 militaires du NES et 11 Asayish ont été tués dans des attaques turques/SNA depuis le 29 décembre.
  • Les FDS signalent également des attaques en cours au-delà du front de Manbij, y compris des tentatives d’infiltration de l’ANS près de Tel Tamir et Ayn Issa, ainsi que des tirs d’artillerie de l’ANS le long des lignes de contact.

Le nombre de victimes civiles des attaques de la Turquie et de l’ANS s’alourdit

  • Un bombardement d’artillerie de l’ANS sur le village de Jadah, dans la campagne de Kobané, a tué une mère et son enfant hier.
  • Une attaque de drone turc près de Tel Brak le 21 a tué trois civils – Bassem Shaddadi, membre du conseil municipal de Tel Brak, Abeer al-Khalif, membre des forces de protection civile, Ahmed al-Tami, un mollah de la région – et en a blessé un – le président du Conseil des anciens de Tel Brak, Bunyan Hasnawi Jadou.
  • Un drone turc a frappé un centre céréalier près de Sarrin (campagne de Kobané) le 21. « Il s’agissait d’une attaque soudaine sur l’une des unités de stockage de blé dans la section extérieure [du centre]. L’attaque a entraîné l’incendie et la destruction de 300 tonnes de blé » , a déclaré une source de Kobané à RIC.
  • Au total, 68 civils ont été tués et 73 blessés dans les attaques de l’armée turque et de l’armée nationale syrienne depuis le 29 décembre, selon les données du RIC.

Le président du conseil des anciens de Tel Brak, Bunyan Hasnawi Jadou, blessé lors d’une attaque de drone turque

La situation des personnes déplacées reste grave

  • L’UNICEF indique qu’environ la moitié des personnes déplacées de Shehba vivent dans des abris collectifs dans le NES, l’autre moitié chez des amis, des parents ou dans d’autres logements privés.
  • Les personnes déplacées font état de conditions de vie misérables dans de nombreux abris. Solin, une personne déplacée de Shehba vivant dans l’un des 200 centres collectifs établis dans la ville de Qamishlo, a déclaré au RIC : « Nous sommes arrivés à Tabqa, nous avons vu que beaucoup de gens étaient déjà là, il y avait beaucoup de monde et il n’y avait pas de place. Nous sommes allés enregistrer nos noms ; ils nous ont dit qu’il n’y avait plus de place. Nous sommes allés à Raqqa, on nous a organisé un hébergement dans une salle de classe, 6 familles dans une pièce. Elle était sale. Nous l’avons nettoyée. Les uniques toilettes étaient très éloignées. Une jeune fille handicapée était avec nous. Elle ne pouvait pas accéder facilement aux toilettes. Nous coupions les têtes des bouteilles d’eau pour permettre à la jeune fille de faire pipi dedans. […] Nous sommes restés à Raqqa. Ils nous ont donné des conserves. Il y avait peu de nourriture. Nous sommes venus ici à Qamishlo, en espérant que ce serait mieux ici. J’avais des douleurs dans le dos. Il s’est avéré que j’avais un prolapsus discal. Je ne peux pas me tenir debout. Cela fait des jours que je souffre. Mes filles me tiennent les mains pour atteindre les toilettes. Elles mettent mes chaussettes, elles font tout. Je voulais aller chez le médecin, mais je n’ai pas d’argent. Cependant, le médecin du Croissant-Rouge kurde m’a aidée et m’a proposé deux séances de kinésithérapie. Je me suis sentie mieux pendant deux jours, puis la douleur est réapparue. Il n’a pas accepté d’argent car il savait que j’étais une personne déplacée. Pour les médicaments, il y a une organisation qui vous apporte les médicaments. Je lui ai dit que cela faisait des jours que les gens attendaient des médicaments mais qu’ils ne les recevaient pas. Il m’a demandé d’aller à la pharmacie et j’ai interrogé le pharmacien. Il m’a dit que mon médicament coûtait 100 000 mille syriens. J’ai eu honte, je n’avais pas d’argent pour l’acheter. Les vêtements que nous portons sont des [dons] de la population qu’ils nous ont eux-même apportés. Nous n’avons pas pris nos vêtements, nous n’avons rien pris. Nous avons reçu une couverture grâce aux dons et quatre personnes dorment sur une seule de ces couvertures. »
  • Après la prise de Shehba par l’ANS, l’association de défense des droits Hevdesti/Synergy a recensé 128 personnes (dont 20 femmes) arrêtées par l’ANS – soit à Shehba, soit lorsqu’elles avaient fui Shehba pour retourner à Afrin. 52 ont été libérées après avoir été torturées, 76 sont toujours portées disparues
  • En référence à la menace d’une attaque turque sur Kobané, l’UNICEF a noté la possibilité d’une autre « vague de déplacement en cas d’escalade à la frontière [de Kobané]. »
  • En ce qui concerne la situation des millions de Syriens exilés à l’extérieur du pays, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a déclaré dans un communiqué qu’il n’encourageait pas actuellement le rapatriement volontaire à grande échelle vers la Syrie en raison d’une crise humanitaire de grande ampleur, de la persistance de déplacements internes importants et de la destruction et de l’endommagement généralisés des habitations et des infrastructures essentielles.

Développements diplomatiques intra-kurdes

  • Le commandant en chef des FDS, Mazloum Abdi, a rencontré aujourd’hui le Conseil national kurde (ENKS) « pour discuter de l’établissement d’une position kurde unifiée dans la nouvelle Syrie ». Le porte-parole de l’ENKS, Faysal Yusuf, a déclaré que la réunion s’était bien déroulée et qu’une autre réunion suivrait.
  • Le cheikh Murshid, fils d’un célèbre cheikh kurde tué par le régime d’Assad en 2005, est rentré chez lui après avoir vécu des années à l’extérieur du pays, cherchant à participer à l’élaboration d’une meilleure voie pour la Syrie. Jusqu’à présent, il a rencontré Mazloum Abdi, l’ENKS et l’influente tribu arabe Shammar, dont les milices Sanadid font partie des FDS.
  • Dans la région du Kurdistan irakien, le dirigeant kurde de l’UPK, Bafel Talabani, a salué les efforts de Mazloum Abdi pour « préserver la stabilité » en Syrie.

 

 

BULLLETIN D’INFORMATION

SITUATION AU NORD ET A L’EST DE LA SYRIE

18 décembre 2024

Mobilisation en vue d’un possible assaut contre Kobané, selon des responsables des FDS

Faits principaux

  • Annonce d’un cessez-le-feu sous médiation des États-Unis, mais poursuite des affrontements sur le barrage de Tishreen et le pont de Qereqozak.
  • Les médias de l’Armée nationale syrienne (ANS) font état d’une préparation de leurs troupes en vue d’une attaque sur Kobané ; les institutions politiques et militaires du nord et de l’est de la Syrie (NES) appellent au soutien international face à la menace turque.
  • Le barrage de Tishreen est inopérant ; 2 millions de personnes subissent de graves pénuries d’eau.
  • L’autorité d’HTS dans la ville d’Alep se renforce ; une source civile signale l’introduction d’une politique de ségrégation genrée dans les ascenseurs et l’obligation pour les femmes de se couvrir la tête lorsqu’elles se rendent au tribunal.
  • L’Administration autonome démocratique du nord et de l’est de la Syrie (AADNES) et la coalition de l’opposition syrienne confirment toutes deux qu’elles n’ont pas encore rencontré le chef d’HTS, Al-Jolani, pour des entretiens.

Le cessez-le-feu est prolongé, mais les affrontements se poursuivent et la Turquie, via l’ANS, menace de lancer une offensive sur la ville kurde de Kobané

  • Après l’expiration du cessez-le-feu initial de quatre jours autour du barrage de Tishreen et du pont de Qaraqozak, les États-Unis ont annoncé hier avoir négocié un nouveau cessez-le-feu jusqu’à la fin de la semaine.
  • Malgré cela, hier soir et aujourd’hui, des affrontements ont eu lieu sur les deux sites, les FDS déclarant que l’ANS avait lancé une nouvelle série d’attaques terrestres soutenues par des frappes de drones turcs, avant d’être repoussée par le Conseil militaire de Manbij.
  • Lors d’une conférence de presse, le politicien kurde syrien Salih Muslim a déclaré : « La Turquie, comme ces groupes [l’ANS] n’acceptent pas [le couvre feu]. C’est pour cela qu’il y a des affrontements de temps en temps, comme la nuit dernière. Les habitants de Kobané sont en alerte par rapport à la situation. Les drones survolent la ville toute la journée. La situation est très critique ».
  • Hier, le commandant en chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), Mazloum Abdi, a publiquement proposé d’établir « une zone démilitarisée dans la ville de Kobané, avec une redistribution des forces de sécurité sous la supervision et la présence américaines » dans le but de « répondre aux préoccupations de la Turquie en matière de sécurité et d’assurer une stabilité durable ».
  • Deux sénateurs états-uniens ont annoncé leur « intention de proposer des sanctions contre la Turquie cette semaine » si elle n’accepte pas « immédiatement un cessez-le-feu durable et une zone démilitarisée » dans le NES.
  • Les bombardements de l’ANS le long de la ligne de contact de la bande M4 [de Serêkaniyê à Til Abyad] occupée par la Turquie ont été signalés toute la journée ; la centrale électrique de Tel Tamir a été mise hors service.
  • Les FDS ont affirmé avoir abattu un autre drone turc la nuit dernière
  • Un drone turc aurait bombardé une voiture dans le village de Hosan, Ayn Issa.
  • Les chaînes de télévision de l’ANS continuent de diffuser des informations selon lesquelles une attaque sur Kobanê est imminente ; les FDS signalent que « l’État turc mobilise un grand nombre de troupes et de mercenaires le long de la frontière, les équipant d’armes lourdes ». Ces derniers jours, les habitants de Kobanê ont manifesté massivement contre la menace d’attaque turque, et de nombreux organes politiques du NES dont le Conseil démocratique syrien et le conseil du canton de l’Euphrate de l’AADNES on appelé au soutien international dans des déclarations publiques.
  • Ahmed Amer, un civil de Kobanê, a déclaré au Rojava Information Center (RIC) : « Les gens sont terriblement effrayés, ils demandent constamment : est-ce que les États-Unis se sont retirée. Se sont-ils mis d’accord avec les Turcs ? Lorsque nous serons déplacés, où irons-nous ? Allez dans n’importe quelle rue et vous entendrez ces questions. Certaines familles se sont préparées pour faire face à toute situation d’urgence. D’autres disent : si quelque chose arrive, nous n’irons nulle part, c’est notre terre. Les marchés sont quasiment désertés. Les gens sont stressés, certains marchands et magasins n’apportent pas de marchandises par crainte d’attaques. Le monde doit comprendre que la Turquie ne veut pas la paix. En particulier pour le peuple kurde. Elle utilise la tombe de Suleiman Shah comme excuse pour envahir nos régions, avec l’aide de la mal-nommée ANS, qui vole et pille en ce moment les maisons des habitants de Manbij ».
  • D’après le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), le barrage de Tishreen n’est pas opérationnel et les pannes d’électricité qui en découlent dans les stations d’eau confrontent plus de 2 millions de personnes à de graves pénuries d’eau.

Pratiques criminelles des factions de l’ANS à Manbij

 

  • Certains habitants de Manbij ont mené une « grève de la dignité » pour protester contre une montée de la violence, des pillages, des vols et des arrestations arbitraires à la suite de la prise de la ville par l’ANS.
  • D’après l’OCHA, à Manbij, les pillages et les vols commis par les groupes armés ont perturbé le commerce et la tenue des marchés.
  • Très récemment, une école de Manbij aurait été pillée par la faction Suleiman Shah de l’ANS – dont le célèbre chef Abu Amsha a été photographié avec le chef de HTS al-Jolani à Damas il y a deux jours, aux côtés d’Abu Bakir, le chef de la faction de la division Hamza. L’alliance entre HTS et les deux factions de l’ANS remonte à mars 2022, date à laquelle les trois factions ont conclu un accord de sécurité stipulant un soutien mutuel. Des combattants d’HTS ont également été secrètement postés à Afrin sous la bannière de ses alliés de l’ANS. Abu Amsha et Abu Bakir sont tous deux sanctionnés par les États-Unis pour de « graves violations des droits de l’homme » dans la région d’Afrin, occupée par la Turquie. Hamza et Suleiman Shah font partie des factions qui ont mené l’offensive de l’ANS sur Shehba, explique Ibrahim Sheikho, coordinateur de l’Organisation des droits de humains d’Afrin.
  • Un membre du Conseil populaire de l’AADNES à Manbij, actuellement à Raqqa, a déclaré au RIC : « Personne [encore à Manbij] n’ose parler au téléphone de ce qui se passe là-bas. Beaucoup de gens ont changé de numéro parce qu’ils ont peur. Ceux avec qui je suis encore en contact n’osent pas dire quoi que ce soit sur les violences qui s’y déroulent. »
  • De nombreux membres du Conseil populaire de Manbij ont réussi à quitter la ville et à se réfugier à Raqqa ou à Kobané mais certains restent coincés dans la ville.
  • L’un des sujets abordés lors des négociations sous médiation américaine qui ont eu lieu ces derniers jours était la question de l’évacuation des combattants des FDS et des civils qui se trouvent encore à Manbij et qui souhaitent quitter la ville. Un responsable de l’AADNES a déclaré au RIC qu’un convoi préparé pour évacuer ces personnes était prêt mais que « l’ANS ne le laissait pas passer ».

De gauche à droite : Abu Bakir (division Hamza), al-Jolani (HTS), Abu Amsha (brigade Suleiman Shah)

La menace d’une résurgence de Daech se profile

  • Le chef du service de sécurité nationale irakien a déclaré que des cellules de Daech en Syrie prévoyaient d’attaquer des centres de détention dans le NES, ce qui représente un risque pour la sécurité régionale et internationale.
  • Le NES compte 27 prisons, qui accueillent plus de 10 000 détenus de Daech, selon les derniers chiffres du directeur du Centre de communication des YPG, Siyamend Ali.
  • Le sénateur américain Lindsey Graham a averti que les opérations militaires turques pourraient entraîner l’évasion de milliers de combattants de Daech. Il a appelé à la création d’une zone démilitarisée pour mettre fin à la pression turque sur le NES.
  • Aujourd’hui, une attaque de Daech à Raqqa a tué deux membres des forces de sécurité intérieure (Asayish) et en a blessé deux autres ; une autre attaque à Abu Khashab (Deir ez-Zor) a tué trois membres des FDS.

Crise des déplacés de Shehba

  • D’après l’OCHA, dans le NES, les 250 centres collectifs d’urgence ne suffisent pas à répondre aux besoins critiques des déplacés. 75 % des centres d’urgence manquent d’accès à l’eau et à l’hygiène, tandis que 90 % n’ont pas de système de gestion des déchets solides. La plupart des personnes déplacées n’ont pas accès à l’eau potable, à des toilettes fonctionnelles, à des douches ni à des kits d’hygiène.
  • Sur les 90 000 personnes déplacées de force de Shehba, 50 000 sont restées à Tabqa et Raqqa, 30 000 sont allées à Alep, et le reste est réparti dans d’autres villes du NES, principalement Heseké et Qamishlo, selon Ibrahim Sheikho,
  • Dans la ville de Qamishlo, un coordinateur de centre pour déplacés internes qui prend en charge 48 familles vivant dans une école désaffectée a déclaré au RIC : « L’école risque de s’effondrer – elle a été endommagée par le tremblement de terre [de 2023]. Vous pouvez voir, les salles sont abîmées à l’intérieur, mais les personnes déplacées sont ici, il n’y a pas d’autre solution. Nous sommes ici depuis 10 jours. Nous avons organisé un approvisionnement partiel en produits de première nécessité, certaines personnes déplacées ayant apporté des articles personnels. Cependant, il y a toujours une pénurie importante. Aucune organisation humanitaire ne nous a aidés, à l’exception d’une seule. Nous avons un besoin urgent d’ustensiles pour cuisiner et pour manger. Il n’y a aucun moyen de chauffer les pièces, ni de gaz de cuisine. Beaucoup d’enfants sont malades, il y a beaucoup de problèmes de santé. Les personnes déplacées ont besoin d’aller à l’hôpital, mais les traitements coûtent cher, les familles n’ont pas les moyens de les payer. »

Des réfugiés de Shehba dans le camp de Tabqa

Des signes inquiétants de restrictions imposées par HTS dans la ville d’Alep

  • À Sheikh Maqsoud – la petite poche de la ville d’Alep gouvernée par l’AADNES – un civil a déclaré au RIC : « Le quartier est calme, il n’y a pas de combats. Mais psychologiquement, les gens ont peur. Il y a des Yézidis, des Chrétiens, des Arabes, des Kurdes dans le quartier. HTS dit « nous voulons la paix ». Mais sur le terrain, il n’en est rien. Dans les médias, ils se présentent très joliment. Sur le terrain, ils imposent des choses. Hier, on nous a dit que si vous allez au tribunal, vous devez vous couvrir la tête si vous êtes une femme. Si vous entrez dans un ascenseur, les femmes et les hommes doivent désormais être séparés. […] C’est le début. Ce sont de petites choses. Mais après cela, lorsqu’ils se seront davantage installés, des décisions plus strictes seront prises. Ils envisagent actuellement la ségrégation à l’université ».

Évolution des rapports internes à la Syrie

  • Hadi al-Bahra, président de la coalition de l’opposition syrienne, a annoncé que la coalition se dissoudrait une fois qu’une conférence nationale serait organisée en Syrie. Il a également déclaré que les représentants de la coalition n’avaient pas rencontré le chef de HTS et des opérations militaires, al-Jolani, mais qu’ils avaient communiqué avec le gouvernement intérimaire.
  • L’AADNES a annoncé la suppression des taxes douanières entre le NES et les autres régions de Syrie, évoquant un « engagement à l’unité des territoires syriens ».
  • Lors d’une conférence de presse, Salih Muslim, personnalité politique kurde syrienne chevronnée, a déclaré que l’AADNES avait préparé une délégation devant se rendre à Damas pour s’y entretenir avec le gouvernement intérimaire, mais qu’elle n’avait pas encore reçu de réponse.

BULLLETIN D’INFORMATION

SITUATION AU NORD ET A L’EST DE LA SYRIE

13-14 décembre 2024

Mobilisation en vue d’un possible assaut contre Kobané, selon des responsables des FDS

Faits principaux

  • Après un assaut de plusieurs jours de l’Armée nationale syrienne (ANS), soutenue par la Turquie, sur le barrage de Tishreen et le pont de Qaraqozak (reliant Manbij sous contôle de l’ANS à Kobanê sous contrôle des FDS) un cessez-le-feu est en place. Cependant les responsables des FDS affirment qu’une nouvelle offensive de la Turquie et de l’ ANS sur Kobané est imminente.
  • La ville de Kobané est privée d’électricité et d’eau, les installations hydroélectriques du barrage de Tishreen ayant été endommagées par les attaques de l’ANS.
  • Les violations de l’ANS contre les civils et leurs biens à Manbij déclenchent la colère de la population.
  • La menace de Daech est une priorité internationale. Le secrétaire d’État américain, l’ancien chef des services de renseignement britanniques et un sénateur américain soulignent tous le risque accru dû à l’instabilité en Syrie et aux attaques turques contre les FDS.

 
Cessez-le-feu sur le barrage de Tishreen, violence de l’ANS contre les civils à Manbij

  • Un cessez-le-feu de 4 jours entre l’ANS et les FDS a été annoncé le 12 décembre ; depuis le 13 décembre, aucun combat majeur n’a été signalé sur le barrage de Tishreen et Qereqozak ; aujourd’hui les FDS ont déclaré que les États-Unis avaient entamé des pourparlers, notamment sur le sort de la tombe du sultan Suleiman Shah (actuellement située à Ashme, à l’ouest de Kobané). La commandante en chef des YPJ, Rohilat Afrin, a déclaré que la Turquie exigeait le droit de construire une base militaire sur le site et d’y déployer des armes lourdes, ce que les FDS n’ont pas accepté.
  • Conformément à l’annonce du cessez-le-feu par l’ANS et aux récents communiqué du commandant en chef des FDS, Mazloum Abdi, les forces militaires des deux parties devraient quitter Manbij.
  • Les miliciens de l’ANS à Manbij auraient pillé et brûlé la bibliothèque Muhammad Manla Ghazil de la ville, qui contenait 20 000 livres.
  • Les rapports sur le pillage de biens par l’ANS à Manbij s’accumulent. Plus récemment, les miliciens de l’ANS ont tué Ali Sheikhani, un civil à Manbij, lorsqu’il empêchais l’ANS de piller son restaurant.
  • 10 bus et 6 ambulances du Croissant Rouge Kurde se sont dirigés vers le pont de Qaraqozak aujourd’hui, se préparant à emmener les personnes demandant à être évacuées de Manbij (combattants blessés et civils), mais ils ont été bloqués par l’ANS à l’extrémité ouest du pont et n’ont pas pu atteindre leur objectif.
  • La tribu Bani Said a publié une déclaration dans laquelle elle s’indigne des vols et pillages commis par l’ANS à Manbij.

 
Les frappes turques/ANS sur le barrage de Tishreen coupent l’eau et l’électricité à des milliers de personnes

  • Le coprésident du Conseil de l’eau de Kobané a déclaré que la ville de Kobané était privée d’eau depuis quatre jours en raison de l’attaque du barrage de Tishreen par l’ANS.
  • Cette attaque a coupé l’alimentation de la station d’eau, et des frappes de l’ANS ont empêché l’accès aux sites des générateurs à pétrole qui auraient pu être utilisés comme énergie de secours pour pomper l’eau. Les habitants de Kobané dépendent désormais de l’eau stockée dans des réservoirs, dont le coût est très élevé.
  • Le Comité international de la Croix-Rouge en Syrie s’est rendu au barrage de Tishreen et a déclaré avoir effectué « des évaluations et des travaux de maintenance urgents pour garantir la sécurité du barrage […] afin de s’assurer que les habitants des villages voisins ne soient pas exposés à un quelconque danger ».
  • Un journaliste à Kobané a déclaré au RIC : « Il n’y a pas d’électricité et pas d’eau dans la ville. Ils utilisent des générateurs pour pomper l’eau. L’hôpital pense avoir de l’électricité pendant 10 jours, pas plus. Comme la route de Manbij est bloquée, ils ne reçoivent pas de fournitures : médicaments, nourriture, ou quoi que ce soit. »

 
La ville kurde de Kobané sous la menace d’une attaque turque

  • La commandante des FDS, Rohilat Afrin, a déclaré à la presse que la Turquie se préparait à attaquer Kobané – la ville de la première défaite de Daech en 2014, et le début du partenariat entre les États-Unis et les YPG/YPJ, puis les FDS.
  • De nombreux rapports font état de la mobilisation de l’ANS vers le pont de Qaraqozak.
  • Une source des FDS a déclaré au RIC : « Il y a plus de mouvements de mercenaires de l’ANS et de véhicules blindés de leur côté en ce moment. Ils n’ont pas besoin de se mobiliser autant car ils ont déjà une présence importante ils se préparent à attaquer, la menace est réelle. »
  • Un journaliste de Kobané a déclaré au RIC : « La population se dit prête à défendre à nouveau la ville, mais les drones [turcs] changent tout. Ils regrettent que la Coalition n’offre pas plus de soutien ».
  • Les forces américaines ont atteint Kobané aujourd’hui et circulaient dans le centre-ville – événement confirmé par le RIC via une source sur le terrain – pour la première fois depuis leur départ de la région en 2019.
  • Hier, des milliers de personnes se sont rassemblées à Kobané pour les funérailles de 8 combattants tués lors de l’assaut de l’ANS soutenu par la Turquie sur le barrage de Tishreen et Qaraqozak ; des scènes similaires ont eu lieu dans les deux quartiers d’Alep liés à Administration autonome démocratique du nord et de l’est de la Syrie (AADNES), Sheikh Maqsoud et Ashrafiyeh, lors des funérailles de 10 personnes tuées dans ces quartiers au cours des premiers jours de l’entrée des forces dirigées par Hayat Tahrir al-Sham (HTS) dans la ville d’Alep.
  • Les tirs d’artillerie turcs/ANS sur Ayn Issa ont gravement blessé un civil la nuit dernière.
  • Le parlement néerlandais a demandé au gouvernement néerlandais d’appeler la Turquie à cesser ses attaques contre le Nord et l’est de la Syrie (NES) et à garantir les droits des Kurdes dans la transition politique syrienne.

La menace de Daech en tête des priorités internationales alors que les FDS sont attaquées par la Turquie

  • Le commandant en chef des FDS, Mazloum Abdi, a déclaré à Fox News que les attaques de la Turquie et de l’ANS avaient « paralysé » les opérations antiterroristes des FDS, le nombre de gardiens dans les prisons de Daesh ayant été réduit de moitié. Dans une interview accordée à Ronahi TV, M. Abdi a également confirmé que les FDS n’étaient plus présentes sur la rive occidentale de l’Euphrate à Deir ez-Zor.
  • L’ancien chef duMI6 a souligné le risque d’un « accroissement important de la menace que représente Daech pour l’Europe » si la capacité des FDS à contenir les détenus de Daesh dans la zone de sécurité nationale est compromise.
  • Le Conseil démocratique syrien a averti dans une déclaration que Daech exploite l’instabilité actuelle pour réorganiser ses forces.
  • Le secrétaire d’État américain Anthony Blinken a déclaré à la presse : « L’urgence est maintenant de s’assurer que le succès que nous avons eu ces dernières années en mettant fin […] au califat de Daech, en s’assurant que Daech était dans une boîte et y restait cela reste une mission critique et les FDS jouent un rôle essentiel dans la poursuite de cette mission […] en sécurisant les centres de détention qui abritent environ 10 000 combattants terroristes étrangers. […] Il s’agit d’un moment de vulnérabilité dans lequel Daech cherchera à se regrouper ».
  • Le sénateur américain Chris Van Hollen a publié une déclaration exhortant les États-Unis à poursuivre leur soutien aux FDS « qui constituent la partie la plus avancée de notre lutte contre Daesh » et à « ne pas permettre aux militants soutenus par la Turquie d’attaquer les FDS en toute impunité ».

Relations intra-syriennes

  • HTS affirme qu’il ne vise pas les territoires des FDS ; des accords HTS-FDS sont en place pour Deir ez-Zor et Alep, a déclaré Mazloum Abdi.
    Une délégation du NES devrait se rendre à Damas pour négocier avec HTS dans un avenir proche, au sujet d’un règlement politique dans le pays.
  • Alors que des pourparlers intra-kurdes seraient en cours entre le bloc dirigé par le Parti de l’union démocratique (PYD) et le Conseil national kurde de Syrie, Elham Ahmed, co-présidente du département des relations étrangères de AADNES, a déclaré : « L’unité kurde en Syrie est devenue une nécessité historique » et a appelé les partis kurdes à unifier leurs positions pour « soutenir le dialogue syrien et participer à la construction de l’avenir d’une Syrie démocratique et pluraliste ».

Les FDS et l’AADNES sous pression : contestations et déclarations de soutien

  • Au milieu des manifestations pro-HTS en cours à Raqqa, contre lesquelles les FDS sont accusées d’utiliser une force disproportionnée, Mazloum Abdi a déclaré : « Nous réaffirmons également notre engagement à demander des comptes à toute partie impliquée ou ayant abusé injustement de son pouvoir. Raqqa et ses habitants méritent une vie digne et sûre, et nous ne ménagerons aucun effort pour y parvenir. Nous promettons que des mesures pratiques et transparentes seront prises pour remédier à la situation actuelle, et nous ferons en sorte que votre voix soit entendue dans chaque décision prise. »
  • À Tel Hamis, les cheikhs des tribus arabes se sont réunis pour affirmer leur soutien à l’administration autonome en tant que « modèle stratégique et fondamental pour la construction d’une Syrie démocratique ».

BULLLETIN D’INFORMATION

SITUATION AU NORD ET A L’EST DE LA SYRIE

12 décembre 2024

Frappes de la Turquie et de l’ANS sur le barrage de Tishreen

 

Faits principaux

  • Les frappes de l’Armée nationale syrienne (ANS) et de la Turquie sur le barrage de Tishreen risquent de causer des dommages structurels catastrophiques à cette source vitale d’électricité.
  • Les civils de Manbij rapportent des pillages, des vols, des violences et des intimidations de la part de l’ANS dans la ville. Les employés de l’Administration autonome démocratique du nord et de l’est de la Syrie (AADNES) sont particulièrement visés.
  • L’AADNES adopte le drapeau de l’indépendance syrienne et souligne la nécessité de l’unité syrienne et du dialogue.

Assaut de la Turquie/de l’ANS sur Qaraqozax et sur le barrage de Tishreen

  • Les Forces démocratiques syriennes (FDS) font état d’ « affrontements violents » autour du barrage de Tishreen, alors que l’ANS a lancé un assaut terrestre protégé par des frappes d’avions de guerre turcs.
  • Selon les autorités du barrage, les frappes ont déjà endommagé des turbines du barrage, coupé des câbles essentiels, provoqué des fuites et entraîné des coupures d’électricité dans la région. Les équipes de maintenance sont actuellement incapables de se rendre sur le barrage pour reconnecter les câbles et faire fonctionner les pompes d’assèchement nécessaires afin d’empêcher les inondations et les dommages d’équipements.
  • Le forum des ONG du nord et de l’est de la Syrie (NES) a mis en garde sur les risques qu’entraîneraient l’effondrement du barrage : un risque « d’inondation, de perte de vies humaines, de dommages aux terres agricoles […] et de perte d’électricité pour de grandes parties du nord-est de la Syrie ».
  • L’ANS a continué à tenter d’avancer sur le pont de Qaraqozak, où des combats intenses se sont poursuivis.

Après le cessez-le-feu – Manbij sous l’autorité de l’ANS

  • « Les miliciens de l’ANS à Manbij prennent d’assaut les maisons des civils dans la ville, en particulier les civils qui travaillaient avec l’AADNES. Certains de ces civils ont pu quitter la ville pour Kobané ou Raqqa, mais ont reçu des menaces téléphoniques de l’ANS. Beaucoup de personnes ont peur de parler de la situation parce que l’ANS vérifie les téléphones des habitants des maisons dans lesquelles ils entrent, en particulier les téléphones des jeunes femmes. » Une source civile de Manbij, interview menée par le RIC.
  • Des manifestations de rue ont eu lieu à Manbij pour protester contre les vols et les pillages généralisés commis par les miliciens de l’ANS.
  • Le Croissant-Rouge kurde a rapporté que « suite au contrôle de la ville par l’ANS, la plupart des installations de service à Manbij et dans sa campagne ont été soumises au pillage et au vandalisme », y compris 6 installations médicales soutenues par des ONG internationales et 3 centres du Croissant-Rouge kurde, l’hôpital central de Manbij et 4 ambulances.
  • « Nous espérons que le cessez-le-feu entrera en vigueur à Manbij demain. Nous avons convenu que toutes les forces quitteraient la ville et que nous la confierions aux conseils locaux. Ils voulaient traverser le pont pour encercler Kobané, mais nous les avons repoussés, et maintenant ils ne sont pas près du pont. […] La Turquie veut nous écarter du processus politique et nous affaiblir, mais elle devrait comprendre notre réalité, et ses actions militaires contre nous n’ont pas réussi à nous détruire. Nous sommes toujours là. Il n’y a pas de place pour de nouvelles actions militaires en Syrie. Il y a une nouvelle réalité en Syrie qui exige le dialogue. »
    Déclaration de Mazloum Abdi, commandant en chef des FDS.

L’AADNES adopte le drapeau de l’indépendance syrienne

  • L’AADNES annonce qu’elle hissera également le drapeau de l’indépendance syrienne dans toutes ses institutions, « affirmant ainsi l’unité de la Syrie ».
  • « Nous avons déployé beaucoup d’efforts pour empêcher la division de la Syrie. Nous voulions dialoguer avec toutes les forces pour préserver l’unité de la Syrie. […] Nous pensons que sans cette unité, il y aura des problèmes à l’avenir. »
    Evin Sweid, co-présidente du Conseil exécutif du DAANES, interview menée par le RIC.
  • À Raqqa, un individu a ouvert le feu sur la foule qui célébrait la levée du drapeau de l’indépendance syrienne, blessant 43 personnes. Le porte-parole des FDS, Farhad Shami, a démenti les affirmations selon lesquelles le tireur faisait partie des forces de sécurité intérieure (Asayish). En appui, il fait référence à une vidéo montrant « quelques habitants [qui] portent des armes et commencent à tirer au hasard alors que les gens font la fête ».

Perspectives de dialogue HTS-SDF

  • Alors que plusieurs sources font état d’une délégation du NES se rendant à Damas pour rencontrer les HTS, Mazloum Abdi a déclaré : « nous devons aller négocier à Damas, nous nous y préparons en ce moment même. […] Nous entamerons bientôt les discussions avec les Kurdes et nous unirons nos positions. Les Kurdes ne devraient pas avoir de délégations séparées à Damas. Les différences devraient être mises de côté, avec une union de nos positions prononcée à Damas et avec l’espoir qu’Erbil soutiendra également ces efforts. »
  • « Il existe certains points d’accord entre HTS et nous, relevés par l’intermédiaire des Américains. Mais nous ne sommes pas encore parvenus à des négociations ou à des discussions directes. […] Aujourd’hui, nous tendons la main au gouvernement de Damas pour qu’il s’unisse et forme un nouveau gouvernement au service de tous les Syriens »
    Déclaration de Siyamend Ali, porte-parole des YPG.
  • « Depuis le début, l’Administration autonome a plaidé pour une solution politique en Syrie et a toujours appelé au dialogue syro-syrien […] ». Concernant les relations avec HTS, « plus que des discours, nous nous intéressons à la pratique et à la mise en œuvre. Ce que la Syrie a vécu peut devenir une leçon dont nous pouvons tous tirer profit pour construire une Syrie meilleure. Une Syrie dans laquelle chacun peut vivre avec ses croyances et sa nationalité. Nous attendons sa mise en pratique. »
    Evin Sweid, coprésident du conseil exécutif de l’ADANES, interview menée par le RIC.

Mouvements de défection mais aussi d’affirmations de soutien aux FDS

  • Le groupe Liwa Jund al-Haramain a officiellement fait défection des FDS pour rejoindre l’ANS.
  • Turki el-Dari, porte-parole du Conseil militaire de Deir ez-Zor et commandant du Conseil militaire de Kasra, a annoncé qu’il avait quitté les FDS.
  • À Tel Brak, un groupe de cheikhs a fait une déclaration publique appelant au « dialogue syro-syrien » et déclarant son soutien aux FDS.

Le risque de résurgence de Daech pointé du doigt

  • Le sénateur américain Chris Van Hollen a déclaré que les attaques de la Turquie et de l’ANS rendent plus difficile pour les États-Unis d’empêcher Daech de se réorganiser en Syrie. « Ces attaques doivent cesser – nous ne pouvons pas permettre à Daech de reprendre pied pendant cette incertaine période de transition. »
  • L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a signalé que certaines familles de membres étrangers de Daech ont tenté de s’échapper du camp d’al-Hol, mais ont été rattrapées par les Asayish.
  • Mazloum Abdi prévient que Daech profitera des combats entre les FDS et l’ANS pour tenter d’attaquer les prisons de Daech et les camps de détention gérés par les FDS. « [Daech] est maintenant plus fort dans le désert syrien. Il ne se cache plus dans des zones reculées, aujourd’hui il a une plus grande liberté de mouvement puisqu’il ne n’est en conflit avec aucun autres groupe. »

 

BULLETIN D’INFORMATION

LES ATTAQUES DE LA TURQUIE ET DE L’ANS CONTRE LE NORD ET L’EST DE LA SYRIE SE POURSUIVENT MALGRÉ LE CESSEZ-LE-FEU À MANBIJ

 11 décembre 2024

 

Faits principaux

  • Au moins 37 civils ont été tués au cours des trois derniers jours de l’offensive militaire turque contre le nord et l’est de la Syrie (NES) notamment dans l’attaque de plusieurs ambulances.
  • Un cessez-le-feu a été annoncé à Manbij mais la menace qui pèse sur la ville kurde de Kobané demeure.
  • Plusieurs vidéos de pillage, exécutions et tortures commises par l’Armée nationale syrienne (ANS) – soutenue par la Turquie – à Manbij ont été diffusées.

L’offensive Turquie/ANS à Manbij se termine par un cessez-le-feu ; les attaques contre Kobané se poursuivent

  • Le commandant en chef des Force démocratique syriennes (FDS), Mazloum Abdi, a déclaré que les FDS avaient conclu un accord de cessez-le-feu à Manbij et a confirmé que les combattants du Conseil militaire de Manbij allaient quitter la zone. Il a exprimé le souhait d’un cessez-le-feu et d’un processus politique à l’échelle de toute la Syrie.
  • La Turquie/ANS contrôle désormais Manbij, une ville multiethnique à majorité arabe qui abrite environ 300 000 personnes et qui était gouvernée par le Conseil civil de Manbij (CCM) dans le cadre de l’Administration autonome démocratique du nord et de l’est de la Syrie (AADNES) après sa libération en 2016 du contrôle de Daech.
  • De nombreuses informations sur le pillage des maisons et des biens kurdes par l’ANS à Manbij ont été partagés, dans ce que l’organisation de défense des droits Hevdesti-Synergy décrit comme un « ciblage délibéré des civils ». Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a déclaré que 9 établissements de santé ont été vandalisés et pillés à Manbij.
  • Une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux montre des combattants de lANS en train de torturer des captifs à Manbij.
  • Evin Sweid, coprésidente du conseil exécutif de l’AADNES, a déclaré au Rojava Information Center (RIC) : « Ces derniers jours, [la Turquie et l’ANS] ont fréquemment violé les droits humains : ils ont kidnappé et assassiné de nombreux civils, dont trois femmes de Zenobia. d’autres femmes membres de Zenobia ont été enlevées, leur sort est toujours inconnu. Nous avons vu comment les mercenaires sont entrés dans l’hôpital et ont attaqué les blessés à l’intérieur. Ils sont entrés dans les maisons, ont pillé, volé, menacé et tué des gens, et tout cela s’est produit à Manbij. Nos deux co-président·e·s du conseil de canton ont reçu des menaces directes par téléphone. Ils sont à Raqqa maintenant, mais ils ont eu très peur ».
  • À la suite des frappes turques et de l’ANS sur le barrage de Tishreen, le forum des ONG du NES a mis en garde contre « les dommages subis par l’infrastructure [du barrage de Tishreen] elle-même qui pourraient entraîner des pertes de vies humaine et de moyens de subsistance d’un million de personnes dans les sous-districts en aval si le barrage s’effondrait. Les risques immédiats sont les inondations, les pertes en vies humaines, les dommages pour les terres agricoles et les propriétés, et sur le barrage de Tabqa en aval. Mais cela engendrerait aussi la perte d’électricité pour une grande partie du NES, aggravée par les frappes subies par des infrastructures civiles vitales au cours de l’année écoulée ».
  • L’ANS a tiré sur une voiture transportant onze civils se rendant de Kobané à Manbij, tuant une personne et en blessant trois autres
  • L’ANS a pris pour cible une ambulance transportant des blessés sur la route Sarrin-barrage de Tishreen, tuant quatre professionnels de santé et blessant un patient.
  • Au moins 37 civils ont été tués au cours des trois derniers jours lors d’attaques menées par la Turquie et l’ ANS contre le NES.
  • Une source civile à Kobané a déclaré au RIC ce matin : « Les combats se sont poursuivis pendant la nuit et des civils blessés sont arrivés à l’hôpital, mais la situation s’est calmée au cours des dernières heures. Il n’y a pas encore d’Américains, mais on suppose qu’ils vont arriver ».
  • Des frappes de drones turcs ont été signalées sur le site de l’entreprise Lafarge, dans le sud de la campagne de Kobané, sur le village d’Ahmed Munir, à l’ouest de la ville de Kobané, sur le village de Deccan, entre Kobané et Sarrin, ainsi que des tirs d’obus sur plusieurs villages.
  • Deux frappes de drones turcs ont touché Raqqa et deux autres un ancien poste militaire de l’Armée arabe syrienne (AAS) à Qamishlo.

Hayat Tahrir al-Sham (HTS) s’installe dans la ville de Deir ez-Zor ; les États-Unis et la Russie s’inquiètent d’une résurgence potentielle de Daech en Syrie

  • Lorsque l’AAS a commencé à se retirer de tout le centre de la Syrie la semaine dernière, les FDS ont traversé l’Euphrate, dans le but déclaré d’empêcher un vide sécuritaire et de combattre Daech. Aujourd’hui, les FDS ne sont plus présents sur la rive occidentale de l’Euphrate, HTS ayant pris le contrôle de cette rive.
  • A la suite de la défection de l’ancien chef du Conseil militaire de Deir ez-Zor (CMD), Abu al-Harith, au profit de la chambre d’opération dirigée par HTS. Les branches de Hajin et de Kasra du CMD ont fait une déclaration désavouant la provocation de conflits.
  • Les États-Unis et la Russie ont tous deux fait un rappel de la menace accrue représentée par Daech.Le commandant du Commandement central des États-Unis (CENTCOM) a visité les bases des FDS dans le NES pour évaluer « l’évolution rapide de la situation et les efforts en cours pour empêcher Daech d’exploiter la situation actuelle », et le vice-ministre russe des affaires étrangères a souligné le « danger réel que le groupe État islamique relève à nouveau la tête en Syrie. »
  • Le commandant en chef des FDS, Mazloum Abdi, a déclaré : « En ce moment, les opérations conjointes contre Daech s’arrêtent. Il ne s’agit pas d’une décision, mais plutôt d’une réalité militaire, car la Coalition est également préoccupée par le conflit en cours. Si les attaques [de Daech] se poursuivent, les opérations conjointes resteront suspendues.
  • Daech est désormais plus fort dans le désert syrien. Auparavant, ils se cachaient dans des zones reculées. Aujourd’hui, ils disposent d’une plus grande liberté de mouvement. Dans les zones que nous contrôlons, leurs activités ont également augmenté. Il y a quelques jours, trois membres des forces de sécurité intérieure ont été tués près de Heseké lors d’une opération de Daech, et nous savons que les projets d’évasion des centres de détention sont toujours à l’ordre du jour ».
  • L’Observatoire syrien des droits humains (OSDH) a rapporté qu’une cellule de Daech a tué six travailleurs du champ pétrolier d’al-Taim à Deir ez-Zor.

Crise des réfugiés de Shehba

  • La situation humanitaire reste grave pour les habitants de Shehba et d’Alep, principalement kurdes, qui ont été déplacés de force dans le territoire de l’AADNES à la suite de l’assaut de Shehba par l’ANS, soutenue par la Turquie.
  • 100 000 personnes ont été déplacées de Shehba, et 15 000 autres devraient arriver à Tabqa.
  • 186 des 530 écoles de Raqqa et de Tabqa ont été transformées en centres d’accueil des personnes réfugiés, ce qui signifie que 184 840 élèves n’ont pas été scolarisés depuis près de deux semaines, selon le forum des ONG de la NES.
  • L’afflux de personnes déplacées met à rude épreuve les services de santé existants, selon l’OCHA.
  • L’OCHA estime que les installations de cuisine sont insuffisantes pour les personnes déplacées arrivant dans le NES et que 6 000 familles à Tabqa ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence.

Camp de déplacés de Shehba à Tabqa

Craintes concernant le traitement des minorités par HTS et l’autonomisation des groupes djihadistes en Syrie

  • Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent l’église orthodoxe grecque Hagia Sophia dans la campagne de Hama, qui aurait été saccagée par des militants d’HTS, et la destruction d’un magasin d’alcool.
  • Une journaliste chrétienne de Damas affirme avoir été interrogée – pour la première fois de sa vie – sur son appartenance à la communauté alaouite, chrétienne, druze ou chiite par des membres d’HTS.
  • L’agence de presse locale North Press a fait état d’un « arrêt presque complet des activités » à Mahardah, une ville à majorité chrétienne située dans le nord de Hama.
  • Ces actions interviennent après qu’HTS ait diffusé des messages de tolérance à l’égard des minorités.
  • Les médias du NES ont analysé les émissions des médias turcs sur l’offensive de l’ANS à Manbij, montrant des combattants de l’ANS portant des écussons de Daech. Le coprésident du conseil exécutif de l’AADNES, Evin Sweid, a également déclaré au RIC : « Ce que nous voyons partagé sur les réseaux sociaux ces derniers jours, c’est la présence de Daech au sein des forces qui sont aujourd’hui à Alep, à Damas et à Lattaquié. Le drapeau de Daech a été ouvertement déployé ».

BULLETIN D’INFORMATION

ESCALADE AU NORD ET A L’EST DE LA SYRIE, MENACES SUR KOBANE

 10 décembre 2024

L’AADNES rapporte que le barrage de Tishreen est hors service après les frappes de la Turquie et de l’ANS, privant la région de l’Euphrate d’électricité.

Faits principaux

  • Au moins 31 civils ont été tués au cours des dernières 48 heures dans le cadre de l’offensive militaire turque contre les forces kurdes du nord et de l’est de la Syrie.
  • Les forces soutenues par la Turquie tentent d’avancer sur l’Euphrate en direction de Kobané, ville clé pour les Kurdes syriens.
  • Plusieurs atrocités ont été filmées, notamment l’exécution par l’Armée nationale syrienne (ANS) – soutenue par la Turquie – de personnes blessées au sein même d’un hôpital.

Offensive turque et de l’ANS contre le nord et l’est de la Syrie (Kobané + Manbij)

  • D’après les FDS et les journalistes sur le terrain, l’avancée de l’ANS a atteint le pont de Qereqozak et le barrage de Tishreen sur l’Euphrate. Elle est soutenue par des frappes aériennes répétées des Forces armées turques (TAF). Leur avancée a été stoppée au pont de Qereqozak. Des sources des FDS décrivent des affrontements acharnés et continus causant de nombreux morts.
  • Cette avancée menace désormais Kobané, ville kurde syrienne qui a été le lieu de la première défaite de Daech en 2014 et le point de départ du partenariat entre les États-Unis et les forces kurdes syriennes.
  • La Turquie/ANS aurait pris le contrôle de Manbij, une ville multiethnique à majorité arabe qui où vivent environ 300 000 personnes. Manbij était gouvernée par le Conseil civil de Manbij dans le cadre de l’Administration autonome démocratique du nord et de l’est de la Syrie (AADNES) après sa libération en 2016 des mains de Daech.
  • Les FDS ont annoncé avoir abattu un second drone armé turc au cours des dernières 24 heures.
  • Les États-Unis restent en « contact étroit » avec la Turquie au sujet du retrait en toute sécurité des forces des FDS de Manbij, a déclaré le porte-parole de la sécurité nationale de la Maison Blanche, John Kirby.
  • Le commandant en chef des FDS, Mazloum Abdi, a déclaré que les FDS cherchaient à limiter l’escalade et communiquaient avec la Turquie par l’intermédiaire des États-Unis.

Décès et coût civil des opérations militaires turques

  • Au moins 31 civil⸱e⸱s ont été tuées au cours des dernières 48 heures par l’offensive militaire turque.
  • Une frappe de drone turc près d’Ayn Issa a tué 12 civils (dont 6 enfants) ; un bombardement turc/ANS sur le village de Kun Aftar (Kobané) a tué 2 enfants ; une frappe de drone turc a tué 1 civil et en a blessé 2 autres près de Zirgan (Til Tamer) ; une frappe de drone turc a blessé 3 civils près de Zirgan ; une frappe de drone turc dans le village de Safia (Ayn Issa) a tué 8 civils dont 2 enfants ; un bombardement turc/ANS sur Jadah a tué 2 civils (dont 1 enfant) et blessé 2 enfants.
  • « Il n’y a pas de frappes ici pour le moment, seulement une attaque de drone sur Mishtenur [colline au centre de Kobané], il y a deux heures. Mais c’est très tendu. » – d’après un employé d’une ONG dans la ville de Kobané.
  • Trois femmes membres de l’Union des femmes arabes Zenobia auraient également été tuées par des frappes turques à Manbij.
  • Des rapports font état de pillages généralisés visant les biens de dizaines de milliers de Kurdes vivant à Manbij, dont certains ont été filmés.
  • Les attaques turques/ANS sur le barrage de Tishreen pourraient entraîner « des inondations généralisées, des pertes humaines catastrophiques, la destruction de centaines de villages… d’infrastructures et de biens privés et publics », a averti l’AADNES.
  • L’AADNES a signalé que la région de l’Euphrate connaissait des coupures d’électricité généralisées en raison de l’attaque de la Turquie et de l’ANS qui ont mis le barrage de Tishreen hors service.

Les trois membres de l’Union des femmes arabes Zenobia qui auraient été tuées lors des frappes turques sur Manbij.

Atrocités commises par l’ANS

  • Des images enregistrées dans un hôpital de Manbij après sa prise par l’ANS montrent deux hommes gravement blessés abattus dans leur lit d’hôpital par des combattants de l’ANS. Les hommes exécutés dans la vidéo sont un membre des FDS et un membre de l’AAS (Armée arabe syrienne, armée du régime d’Assad), soignés dans l’hôpital principal de Manbij.
  • L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) fait état de « dizaines » d’exécutions de ce type dans l’hôpital.
  • Des images montrent des combattants et des civils capturés à Manbij interrogés sur leur identité ethnique, et au moins une autre exécution sommaire a été filmée.
  • Des images provenant d’autres régions du pays montrent les exécutions sommaires d’anciens membres de l’AAS, qui seraient menées par HTS et d’autres groupes armés participant au soulèvement anti-Assad. Des informations font état de violences contre des civils dans les zones contrôlées par HTS.

Des kurdes déplacés et encerclés

  • La situation humanitaire reste grave pour les habitants principalement kurdes de Shehba et d’Alep, qui ont été déplacés de force vers le territoire de l’AADNES à la suite de l’assaut de Shehba par l’ANS, soutenue par la Turquie.
  • Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) rapporte que 185 écoles à Raqqa, Heseke et Tabqa ont été transformées en abris pour les personnes déplacées, perturbant l’éducation de près de 185 000 élèves.
  • Pendant ce temps, un total de 4 500 familles ont quitté Tabqa et sont arrivées dans le canton de Jaziré de l’AADNES. Elles ont été réparties dans 23 centres d’aide d’urgence.
    Le Centre de documentation sur les violations (VDC) a rapporté que 15 habitants de Shehba, retournés dans leur ville natale d’Afrin après l’offensive de l’ANS à Shehba, ont été arrêtés à leur retour. On ne sait toujours pas où ils se trouvent.
  • L’OCHA rapporte que la situation de la sécurité alimentaire dans le nord-est de la Syrie s’aggrave en raison de l’afflux important de populations déplacées. De nombreuses familles peinent à se procurer une nourriture convenable, ce qui accroît leur vulnérabilité.
  • Plus d’un million de personnes ont été déplacées dans l’ensemble de la Syrie.
  • La situation des plus de 100 000 civils kurdes encerclés par HTS à l’intérieur de la ville d’Alep reste calme mais tendue. Le commandant en chef des FDS, Mazloum Abdi, confirme que des pourparlers sont en cours entre HTS et les FDS/AADNES.

Des déplacés de Shehba dans un camp à Tabqa.

Tensions à Raqqa et Deir ez-Zor

  • Le chef de tribu Ibrahim al-Hafl, qui a auparavant déjà lancé des attaques contre les FDS et l’AADNES, a déclaré son soutien à HTS. Le chef Abu al-Harith (anciennement affilié au conseil militaire local des FDS) a également déclaré son soutien à d’autres forces d’opposition.
  • D’autres chefs tribaux de la région cruciale de Deir ez-Zor ont réaffirmé leur engagement envers les FDS.
  • Les tensions se poursuivent à Raqqa et à Deir ez-Zor, les FDS imposant un couvre-feu alors que des manifestations pro-HTS ont eu lieu.
  • L’AADNES a annoncé une amnistie générale dans tout le nord et l’est de la Syrie, suite à sa décision de libérer tous les prisonniers capturés par l’AAS à Deir ez-Zor.
  • Le commandant en chef des FDS, Mazloum Abdi, a déclaré à al-Hadath : « Nous nous sommes déplacés vers ces zones dans le but de combattre Daech», en référence au déplacement des FDS à travers l’Euphrate vers la ville de Deir ez-Zor et ses environs. « Les problèmes qui se posent à Raqqa doivent être résolus par le dialogue ».

Frappes aériennes israéliennes et turques sur le territoire de l’AADNES et d’HTS

  • Le 9 décembre, la ville de Qamishlo a été le théâtre d’une série de frappes aériennes. Les rapports initiaux ont suggéré que les frappes provenaient d’Israël et visaient des dépôts de munitions et un entrepôt militaire de l’AAS, dans le cadre d’une vague plus large de plus de 300 frappes aériennes menées dans la nuit.
  • Les services de renseignement turcs ont revendiqué au moins une partie des frappes nocturnes à Qamishlo, en partageant des images aériennes des attaques.

BULLETIN D’INFORMATION

SITUATION AU NORD ET A L’EST DE LA SYRIE

 7-9 décembre 2024

 

Faits principaux

  • Les personnes déplacées de Shehba sont confrontées à une grave pénurie de produits de première nécessité, d’abris et de services alors qu’elles se déplacent de Tabqa vers d’autres régions du nord et de l’est de la Syrie (NES).
  • La situation dans les quartiers kurdes d’Alep (Sheikh Maqsoud et Ashrafiyeh) reste calme mais tendue.
  • La Turquie et l’ANS lancent une offensive sur Manbij, tenu par les FDS. De violents affrontements entre l’ANS et le Conseil militaire de Manbij sont en cours.
  • À l’extérieur de Manbij, des frappes de drones turcs et des tirs d’artillerie de l’ANS sur le NES ont tué 15 civils (dont 6 enfants) et en ont blessé 5 autres.
  • Des célébrations de la chute d’Assad ont lieu dans tout le NES.

Une crise humanitaire pour les personnes déplacées de Shehba

  • Au moins 100 000 habitants de Shehba ont rejoint le NES, déplacés de force suite à l’assaut mené par l’ANS et soutenu par la Turquie.
  • Jusqu’à présent, la plupart de ces réfugiés sont restés à Tabqa, mais ils se déplacent peu à peu dans la région, avec l’aide de l’AADNES. Des équipes de crise ont été mobilisées dans les villes du nord et de l’est de la Syrie afin d’accueillir et d’aider les personnes déplacées.
  • Le « convois de sauvetage » envoyés pour retrouver les personnes piégées à Shehba ont partiellement réussi à mettre les personnes déplacées à l’abri.
  • « La situation reste [grave]. La plupart des personnes déplacées sont toujours dehors car nous ne trouvons pas de maisons. Ces personnes sont disséminées dans Tabqa et les villages environnants. Nous manquons de couvertures, de moyens de nous réchauffer, de chauffages, de pain, de nourriture. 700 personnes qui auraient été bloquées à Tel Rifaat ont été libérées et ont pu rejoindre les régions de l’Administration autonome, mais beaucoup d’autres sont toujours détenues, leur sort restent inconnu. Parmi ceux qui sont retournés dans la ville d’Afrin, certains ont également été arrêtés. Ici [au NES] aussi, les personnes déplacées sont dans une situation de chaos ; c’est une nouvelle région pour eux, ils ne savent pas où aller. De graves menaces pèsent désormais sur Manbij, et les habitants sont terrifiés par les frappes aériennes. Ils ne savent pas ce qui les attend »Déclaration du co-président du canton de Shehba-Afrin, Mohammed Sheikho.
  • Un habitant d’Afrin qui vivait depuis 2018 dans le camp de déplacés de Serdem, à Shehba, confie au RIC :

    « Il y a des familles sur lesquelles nous n’avons toujours pas d’informations : nous ne savons pas si elles sont vivantes ou mortes. J’ai été encerclé par quatre voitures affiliées à l’ANS et j’ai à peine survécu. Lors [du voyage de Shehba au NES] quand nous étions dans la caravane de personnes déplacées, les membres de la ANS n’arrêtaient pas de nous insulter. L’un d’entre eux parlait kurde et nous disait de continuer à avancer et de ne pas nous arrêter. Nous étions terrifiés. Nous ne pouvions rien faire. Ils menaçaient de tuer nos enfants et nous manquaient de respect. Nous ne voulons rien, nous voulons juste retourner dans nos maisons à Afrin. Cela fait sept ans que nous avons été déplacés d’Afrin et je n’ai affectionné les olives nulle part ailleurs. Nous avons tout vu ; c’est comme une épopée ; ils nous ont envoyé ces gens qui tuent, qui massacrent. Un homme m’a dit qu’ils avaient massacré sa femme devant lui. Cela fait deux jours que je cherche ma famille et je ne sais toujours pas où elle est. Lorsque nous avons quitté Shehba, nous étions terrifiés ».

 [Une déplacée de Shehba à Tabqa, 9 décembre, RIC]

Encerclement des quartiers kurdes de Sheikh Maqsoud et Ashrafiyeh à Alep

  • Lors d’une conférence de presse, le commandant en chef des FDS, Mazloum Abi, a déclaré que les FDS étaient en pourparlers avec HTS au sujet de ces deux quartiers à majorité kurde d’Alep, administrativement reliés à l’AADNES.

  • Il n’y a pas eu de nouvelles informations concernant l’issue de ces pourparlers, mais la situation à l’intérieur de la ville d’Alep est restée calme.

    « Il n’y a pas d’affrontements entre les HTS et les forces de défense locales à Sheikh Maqsoud et à Ashrafiyeh. Mais aucune route officielle ouverte ne permet d’entrer ou de sortir de ces deux quartiers. Il y a toujours des problèmes d’eau et d’électricité, un manque de farine. Cependant, il n’y a pas eu de tirs depuis 3 ou 4 jours. Nous ne savons pas si cette paix sera permanente ou seulement temporaire. Les gens ont peur de quitter le quartier au cas où ils seraient arrêtés en raison de leur identité kurde ». Hamude, journaliste militant à Sheikh Maqsoud.

Offensive turque et de l’ANS sur Manbij

  • L’offensive de l’ANS sur Manbij a commencé il y a maintenant trois jours, la Turquie et l’ANS mènent actuellement des attaques dans le but de s’emparer du canton.

  • Le Conseil militaire de Manbij, le Conseil militaire d’al-Bab et le Front kurde – qui sont tous sous l’égide des FDS – défendent la zone.

  • Alors que l’ANS attaque au sol, la Turquie assure une couverture aérienne avec des frappes de drones et d’avions de guerre, dont une sur le bâtiment du Conseil civil de Manbij de l’AADNES.

  • Les FDS font état d’« affrontements féroces » qui se poursuivent, jusqu’à l’intérieur de la ville elle-même.

  • « Les combats se poursuivent entre le Conseil Militaire de Manbij (CMM) et l’ANS. Cette dernière voulait profiter de la chute du régime Baas et occuper la ville une fois de plus. Des cellules dormantes ont organisé des attentats dans la ville. Le CMM et les forces de sécurité intérieure ont réagi. Les premières attaques ont été repoussées, mais les combattants de l’ANS se sont répandus dans plusieurs quartiers. Aujourd’hui, alors que les combats se poursuivent, y compris dans les villages environnants, la Turquie lance des frappes aériennes. Hier, elles ont pris pour cible le bâtiment du Conseil [civil] de Manbij où nous (la presse) nous trouvions à peine une heure ou deux auparavant. Des drones frappent également la campagne de Manbij, et des armes lourdes ciblent le centre-ville. Des combats acharnés se poursuivent aujourd’hui, dans le but d’occuper la ville ». Un journaliste local à Manbij, interview menée par le RIC.

  • A Kobané, des funérailles ont été organisées pour rendre hommage à trois membres des Asayish, tués lors du bombardement du pont de Qereqozaq par la Turquie.
  • Le Croissant-Rouge kurde parle d’une « catastrophe humanitaire » en cours dans le nord-est de la Syrie, l’attaque de l’ANS sur Manbij « exacerbant une crise humanitaire déjà terrible qui dépasse la capacité des organisations opérant dans le nord-est de la Syrie ». Les attaques ont visé les infrastructures et les établissements de santé, entraînant la destruction de certains d’entre eux et les mettant hors service, tandis que de nombreux travailleurs humanitaires ont été contraints de quitter la région de Manbij.

Les frappes de la Turquie et de l’ANS font des morts civiles dans le NES

  • Une attaque de drone turc menée sur le village de Mustariha, à Ayn Issa, a tué 12 civils, dont 6 enfants.

  • Deux différentes frappes de drone près de Zirgan ont tué un civil et en ont blessé 5 autres.

  • Les tirs d’obus de l’armée turque et de l’ANS ont tué deux enfants près de Kobané.

  • Les FDS ont déclaré avoir abattu un drone turc près de Tel Tamir le 9 décembre. 

Célébrations de la chute d’Assad à travers le NES

  • Le 7 décembre, à travers la Syrie et notamment dans le NES, les personnes sont descendues dans les rues pour célébrer la chute d’Assad.

  • Dans les villes de Qamishlo et de Heseke, les petits « quartier de sécurité » contrôlés par le gouvernement syrien ont été ouverts et plusieurs statues d’Assad ont été renversées par les habitants.

  • Le Conseil démocratique syrien (CDS), une assemblée de partis et d’organisations cherchant à construire un cadre politique pour un changement démocratique durable et global en Syrie, basé sur un système décentralisé et inclusif a déclaré : « Nous avons tous une occasion unique de reconstruire notre nation, de rédiger une constitution qui incarne les aspirations de notre peuple et de mener une justice transitionnelle pour réparer les injustices du passé. Nous collaborerons avec toutes les forces nationales, culturelles et sociétales syriennes en nous engageant dans le dialogue national et en assumant notre responsabilité dans l’établissement d’une nouvelle Syrie qui inclut tous ses citoyens ».

  • « Nous vivons des moments historiques en assistant à la chute du régime autoritaire de Damas. Ce changement est l’occasion de construire une nouvelle Syrie fondée sur la démocratie et la justice qui garantit les droits de tous les Syriens ». Mazloum Abdi, commandant en chef des FDS.

  • Dans son communiqué du 9 décembre, l’AADNES a rappelé qu « si la chute du régime du Baas à Damas a réjoui de nombreuses personnes, le peuple syrien éprouve de réelles craintes face à la résurgence des combats dans certaines régions de la Syrie ». Elle a ainsi appelé au « lancement urgent d’une initiative visant à instaurer un cessez-le-feu global sur tous les territoires syriens, sous les auspices des Nations unies. Nous appelons également à la création de conditions qui permettraient un dialogue constructif, conduisant le pays à la sécurité et jetant les bases d’un État sur lequel tous les Syriens peuvent s’entendre, tant sur la forme que sur le fond. »

[La ville de Qamishlo célèbre la chute d’Assad, 7 décembre, RIC]

Risque de résurgence de Daech

  • Lorsque les forces de l’Armée arabe syrienne (AAS) se sont retirées de la région désertique du centre de la Syrie, les États-Unis, la Coalition, ainsi que les FDS, ont fait part de leurs craintes quant à un vide sécuritaire potentiel permettant une résurgence de Daech.

  • Le Conseil militaire de Deir ez-Zor des FDS est entré dans la ville de Deir ez-Zor et dans d’autres zones situées à l’ouest de l’Euphrate, y compris le point de passage d’al-Bukamal, suite au retrait des forces de l’AAS et des milices iraniennes alliées.

  • Les États-Unis ont déclaré qu’ils étaient déterminés à poursuivre les opérations de lutte contre ISIS en Syrie. Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale, a partagé la volonté des États-Unis à ce que « les combats en Syrie ne conduisent pas à la résurgence de l’État islamique, et nous allons prendre des mesures sur nos positions, directement en travaillant avec les FDS, les Kurdes, pour s’assurer que cela ne se produise pas ».

  • Le 8 décembre, les États-Unis ont annoncé avoir mené des dizaines de frappes aériennes ciblant 75 cellules de Daech dans le centre de la Syrie.

  • Le 7 décembre, les FDS ont signalé une attaque de Daech contre un véhicule militaire à Shaddadi, qui a tué quatre combattants des forces d’autodéfense.

Frappes aériennes israéliennes

  • Après la chute d’Assad, Israël a entrepris d’occuper le mont Hermon sur le plateau du Golan et de mener une série de frappes aériennes à travers la Syrie, qui viseraient les principales ressources militaires du gouvernement syrien.

  • Le 9 décembre, la ville de Qamishlo a été le théâtre d’une série de frappes aériennes. Les premiers rapports ont suggéré que les frappes provenaient d’Israël et visaient les dépôts de munitions et les entrepôts militaires de l’AAS.

 

Explicatif – L’offensive de la Turquie et de l’ANS sur Manbij

7 décembre 2024

 Le canton de Manbij, au nord-est de la région d’Alep, dans le nord de la Syrie, est actuellement menacé par une offensive de grande envergure de la Turquie et de l’Armée nationale syrienne (ANS) soutenue par la Turquie. Si cela fait plusieurs années que la Turquie déclare vouloir s’en emparer, les récents évènements en Syrie ont ouvert la voie à une nouvelle tentative de prise du canton aux Forces démocratiques syriennes (FDS). Manbij est pourtant une ville essentielle pour la Syrie du nord et de l’est (NES), gouvernée par l’Administration autonome démocratique du nord et de l’est de la Syrie (AADNES) et dont les Forces démocratiques syriennes (FDS) constituent l’aile militaire officielle.

Dans cet article, le Rojava Information Center (RIC) apporte le contexte nécessaire pour comprendre les événements qui se déroulent actuellement à Manbij.

Contexte : Démographie, géographie, économie

Manbij est une ville située à 30 kilomètres à l’ouest de l’Euphrate qui, comme une grande partie de la région du nord-est de la Syrie, dépend du barrage de l’Euphrate à Tabqa comme principale source d’énergie électrique. Manbij, qui compte environ 300 000 habitants, est également un important centre de commerce et d’industrie légère, et un grand nombre de magasins, d’ateliers et de petites entreprises dépendent fortement de l’approvisionnement en électricité du barrage. Malgré l’importante capacité de production de ce dernier, la ville a souffert de fréquentes pénuries d’électricité en raison de la diminution du débit d’eau. Selon l’AADNES la Turquie retient l’eau en amont et le gouvernement syrien et la Russie présents au barrage redirigent l’électricité vers les zones contrôlées par le gouvernement syrien. Géographiquement, Manbij a servi de point de passage stratégique pour ceux qui se déplaçaient entre les zones contrôlées par le gouvernement syrien via Alep, les quartiers d’Alep de Sheikh Maqsoud et Ashrafiyeh contrôlés par l’ AADNES, ainsi que l’exclave de Shehba de l’AADNES (qui est maintenant occupée et contrôlée par l’ANS).

Manbij est une ville éminemment multiethnique. La population est principalement arabe, bien que les Kurdes, les Turkmènes, les Circassiens et les Tchétchènes constituent d’importantes minorités. Lors du recensement de 2004, Manbij comptait près de 100 000 habitants. Ce chiffre monterait à un demi-million aujourd’hui en incluant les localités environnantes.

Manbij avant le conflit actuel

Libéré de l’État Islamique en 2016 par les FDS, le canton de Manbij est celui qui a connu le plus de reconstruction et de réaménagement parmi les quatre cantons à majorité arabe de la NES auparavant sous la domination de l’État Islamique. L’un des accomplissements de l’AADNES a été la coexistence pacifique des diverses communautés de Manbij, dont beaucoup avaient été privées de reconnaissance et avaient vécu l’oppression, à la fois sous le joug du gouvernement syrien et sous celui de l’État islamique. Les Turkmènes de Manbij sont un bon exemple, maintenant organisés de manière autonome au sein de cinq communes dans les quartiers turkmènes de la ville mais aussi dans de nombreux villages. La communauté turkmène du canton se réunit au sein d’une association turkmène qui propose un lieu de rencontre dans le centre-ville, des cours de langue pour les adultes et les enfants, des conférences sur l’histoire et la culture, ainsi que des activités artistiques et sportives. L’association s’engage également dans l’organisation politique de la communauté locale, rend visite aux familles et organise des réunions dans les quartiers turkmènes. Son objectif est d’introduire des cours de leur dialecte turc (distinct de la langue parlée au Turkménistan et en Asie centrale) dans les écoles des quartiers et villages turkmènes. En termes de gouvernance, l’AADNES a combiné son propre système de commune, de conseil et de canton avec les structures de gouvernance tribale préexistantes, qui englobent 64 tribus différentes. En outre, ces dernières années, les femmes ont fait l’expérience de l’autonomie et de libertés politiques qui leur étaient inconnues sous le régime d’Assad – sans parler des années passées sous le contrôle des groupes djihadistes-salafistes. L’AADNES a ainsi mis en place de nombreuses structures civiles, telles que des assemblées démocratiques et des institutions autonomes pour les femmes, qui incarnent l’engagement de l’administration en faveur de l’égalité de genre.

Manbij, 2021 [RIC]

Manbij a été la première région gouvernée dans le cadre du système de l’AADNES à ne pas avoir une population majoritairement kurde. Son inclusion dans le NES a été une mise en pratique de la volonté annoncée de l’AADNES : une démocratie décentralisée permettant une représentation culturelle et politique et ainsi qu’une autonomie pour toutes les communautés et tous les peuples. Un projet politique opposé à celui du nationalisme kurde, bien que l’accusation soit souvent portée à leur encontre. La prise de contrôle de la ville par les l’AADNES avait à son début été marquée par des défis majeurs, alors que beaucoup dans la communauté, conservatrice et usée par la guerre, se méfiaient du nouveau système. Avant la période de contrôle de la ville par l’État Islamique, au début de la guerre civile syrienne, Manbij avait élu son propre conseil démocratique et accueilli le premier syndicat indépendant de Syrie. Des militants locaux se sont plaints que ces acquis n’aient pas été rétablis, mais plutôt remplacés par les conseils de l’AADNES. En 2021, de violentes manifestations ont eu lieu à Manbij. En réponse, l’administration locale a organisé un certain nombre de débats publics et mis en place un comité composé de représentant·e·s des tribus et de diverses institutions civiles et militaires, dans le but de résoudre les problèmes à l’origine des manifestations. Les revendications portaient notamment sur la conscription, les arrestations arbitraires alléguées de civils, l’insuffisance de l’approvisionnement en eau et en électricité ainsi que les prix excessifs du carburant et d’autres produits de première nécessité par rapport à ceux des régions voisines.

Histoire militaire de Manbij

En 2012, au début de la guerre civile syrienne, l’Armée syrienne libre (ASL) – à l’époque une fusion de milices rebelles – prenait le contrôle de Manbij à l’Armée arabe syrienne (AAS). Un an plus tard, en janvier 2014, l’ASL perdait la ville au profit de l’État Islamique. Sous la domination des islamistes, la ville devint alors une plaque tournante pour le commerce d’artefacts pillés et de matériel archéologique. En 2016, les FDS reprennent la ville à l’État Islamique. Les soldats de l’AAS réintègrent la région fin 2019, à la suite d’un accord AADNES-Damas visant à s’opposer à la menace turque sur le territoire syrien suite au retrait précipité des troupes américaines.

Le Conseil militaire de Manbij (CMM) est créé en tant que conseil militaire régional en 2016. De tels conseils militaires existent dans chacun des cantons de l’AADNES, qui sont tous incorporés dans les FDS. Ils organisent et coordonnent leur propre défense militaire en fonction des besoins spécifiques de chaque canton, tels que décidés par le conseil lui-même.

Depuis 2019, des unités militaires des FDS/CMM et de l’AAS sont stationnées à Manbij, certaines positions de la ligne de front étant partagées et coordonnées conjointement. Cependant, si le gouvernement de Bachar al-Assad, soutenu par la Russie (les troupes de l’AAS étant soutenues, approvisionnées et équipées par les forces russes) a longtemps cherché à étendre son influence à Manbij et malgré a coopération relativement efficace qui a existé entre le CMM et l’AAS, celle-ci est strictement militaire. Shervan Derwish, le porte-parole du CMM déclarait ainsi au RIC en août 2020 :

« Nous laissons [l’AAS] aller et venir sur nos positions communes sur les lignes de front et c’est tout. Ils essaient d’organiser un soutien dans les campagnes, mais ils n’ont pas été en mesure d’obtenir le moindre changement sur le terrain. »

Comme la plupart des régions à majorité arabe, Manbij a connu un pic d’attaques après la défaite de l’État Islamique et avant le retrait américain. Le 16 janvier 2019, un attentat à la bombe dans un restaurant populaire de Manbij a tué 19 personnes. M. Derwish lui-même a survécu à de nombreuses tentatives d’assassinat.

Quelle est la situation actuelle à Manbij ?

Depuis le début de l’offensive de l’ANS sur les zones tenues par les FDS dans le nord de la Syrie, Manbij a été la cible de multiples tentatives d’infiltrations terrestres qui ont été déjouées, ainsi que de lourds bombardements qui ont fait un certain nombre de victimes civiles. Les drones turcs restent déployés au-dessus de la ville et dans la campagne. Le 6 décembre, le commandant en chef des FDS, Mazloum Abdi, a déclaré : « la Turquie menace Manbij et d’autres villes. Cependant, nous avons déjà dit que nous voulions résoudre nos problèmes avec la Turquie par le dialogue. […] Les menaces des groupes soutenus par la Turquie continuent [et] nous avons pris des mesures militaires pour nous protéger des attaques de ces groupes, mais nous ne voulons pas d’un autre conflit dans la région ». Le même jour, les factions de l’ANS participant à l’offensive contre les FDS ont déclaré sur les réseaux sociaux le début d’une opération pour prendre Manbij. Le lendemain, le CMM a déclaré que la Turquie et l’ANS avaient « intensifié leurs attaques sur Manbij et les villages environnants », faisant allusion au fait que ces attaques se poursuivent depuis plusieurs jours. Le CMM fait état de frappes de drones turcs intenses et continues, de tirs d’artillerie ainsi que d’attaques terrestres.

Manbij se trouve à un endroit stratégique et constitue désormais le dernier bastion important des FDS à l’ouest de l’Euphrate. La ville est un objectif du plan turc visant à repousser les FDS vers l’est, au-delà du fleuve. Après cela, la ville de Kobané est clairement dans la ligne de mire du président Erdogan.

Avant la retraite sans précédent de l’AAS la semaine dernière, Manbij était déjà assaillie par une double ligne de front, ses flancs nord et ouest étant menacés par l’Armée nationale syrienne (ANS) soutenue par la Turquie, dont les frontières s’érigent à moins de 12 km de là. Les factions de l’ANS présentes à Al-Bab et Jarabulus, occupées par la Turquie, ont souvent bombardé les positions du CMM, tandis que cette dernière arrêtait régulièrement des membres de cellules dormantes soupçonnées de collaboration avec les services de renseignement turcs et les milices soutenues par la Turquie. Ainsi, l’offensive qui commence contre Manbij n’est que la suite logique de l’intérêt de longue date de la Turquie pour cette ville à l’emplacement stratégique, alors que dès 2019 le président turc Erdogan signalait ouvertement que Manbij faisait partie de ses cibles.

BULLETIN D’INFORMATION

OFFENSIVE DANS LE NORD DE LA SYRIE

5 décembre 2024 

 

Faits principaux

• Au moins 85 000 personnes déplacées d’Alep et des environs ont rejoint le nord et l’est de la Syrie (NES), alors que l’Administration autonome démocratique du nord et de l’est de la Syrie (AADNES) estime que le nombre de personnes déplacées atteindra bientôt 120 000.
• Des milliers de personnes dorment dehors dans des conditions glaciales, de nombreux décès ont été signalés, il y a un besoin urgent d’abris et d’autres secours humanitaires.
• Risque grave d’un assaut imminent soutenu par la Turquie contre Manbij, gouverné par l’AADNES et comptant une population multiethnique d’environ 300 000 personnes, ce qui aggraverait la déstabilisation.
• Les quartiers kurdes de la ville d’Alep, Sheikh Maqsoud et Ashrafiyeh, restent calmes et aucun combat n’a été signalé aujourd’hui, alors qu’ils sont toujours encerclés par Hayat Tahrir al-Sham.
• L’AADNES et les FDS affirment que 15 000 civils sont toujours bloqués à Shehba, incapables de partir et victimes de violations des droits humains de la part de l’Armée nationale syrienne (ANS), armée par la Turquie.
• Les personnes déplacées arrivant à Tabqa racontent qu’elles ont été victimes d’agressions verbales, de vols de biens, d’enlèvements et de violences physiques de la part de l’ANS alors qu’elles se trouvaient sur la route de Shehba, et que nombre d’entre elles ont voyagé à pied pendant des jours.
• Les FDS déclarent que Daech s’est emparé de territoires désertiques qui étaient jusqu’alors sous contrôle de l’Armée arabe syrienne (AAS, armée gouvernementale) et annoncent qu’elles « interviendront efficacement » si Daech s’étend vers le NES.

Catastrophe humanitaire pour les personnes déplacées de Shehba

• Au moins 85 000 déplacés internes kurdes venant de Shehba sont arrivés dans le NES par Tabqa et Raqqa. Le 1er décembre, Shehba a été saisie par les milices de l’Armée nationale syrienne soutenues par la Turquie, qui avaient auparavant chassé la majeure partie de la population kurde et tous les Yézidis et les chrétiens de la région d’Afrin en 2018.
• Des milliers d’autres personnes déplacées arabes sont arrivées au NES, fuyant la violence généralisée dans le nord-ouest de la Syrie.
• Si la plupart sont restés sur place, une petite partie a rejoint des abris d’urgence ou des maisons de proches à Kobané, Heseké, Qamishlo et dans d’autres régions du canton de Jazira.
• La cellule de crise de Tabqa a mis en place 235 abris, tandis que son homologue de Raqqa en a bâti 60.
• Pénurie aiguë de médicaments, de lait pour nourrissons, de nourriture, de médicaments, de couvertures et de tentes dans les camps de personnes déplacées récemment construits, les civils dormant dehors par des températures inférieures à zéro.
• 1 035 personnes déplacées de Shehba (228 familles) ont atteint la ville de Qamishlo, où un centre de soutien d’urgence a été mis en place. 158 de ces familles sont restées dans le centre de soutien, tandis que 70 sont allées vivre avec des proches dans la région.
• Près de 500 familles sont arrivées au centre d’aide d’urgence de la ville de Heseké.
• Les responsables de l’AADNES demandent l’ouverture du poste frontière de Yaroubiyah pour permettre le passage de matériel humanitaire vers le NES.

Violations des droits de l’homme par l’ANS signalées à Shehba

• Mohammed Sheikho, co-président du Conseil de l’AADNES pour Afrin et Shehba, déclare que 15 000 civils restent à Shehba, piégés par le SNA et en attente d’évacuation.
• Les FDS déclarent que 120 véhicules, remplis de familles cherchant à fuir Shehba, ont été arrêtés par des combattants de l’ANS et emmenés sur un site près de Sheikh Najar. Le sort des civils est inconnu et les FDS affirment qu’elles n’ont pas été en mesure de négocier un passage sûr.
• Les rapports d’enlèvements, d’arrestations, de meurtres, de vols et d’autres crimes perpétrés par l’ANS à Shehba s’accumulent.
• Les personnes déplacées à Tabqa disent avoir été victimes d’insultes, de menaces, de vols de biens et de violences physiques de la part de la SNA lorsqu’elles étaient sur la route, beaucoup d’entre elles ayant voyagé à pied pendant des jours.

Ibrahim Sheikho, militant civil de l’Organisation des droits humains d’Afrin et déplacé interne de Shehba à Tabqa :
« Les événements se sont déroulés si rapidement qu’aucune préparation n’a pu être faite pour accueillir autant de personnes à Tabqa et Raqqa, et les ressources de l’AADNES ne sont pas suffisantes. Il y a un manque d’abris. Les gens dorment sur les trottoirs tandis que 2 à 3 familles s’entassent dans chaque tente. Les grandes tentes accueillent 20 familles chacune. Les écoles de Tabqa et de Raqqa ont été transformées en abris d’urgence. Elles sont très peu chauffées et il y fait très froid la nuit. Aujourd’hui, les enfants sont privés de leur droit à l’éducation – tant les enfants déplacés de Shehba que ceux de Raqqa et de Tabqa – parce que les écoles sont occupées. De nombreuses personnes sont également toujours bloquées à Shehba. Il y avait une garantie de sortie de Shehba en toute sécurité, mais les factions de l’ANS ont commencé à violer les droits de la population. Elles ont arrêté, tué et kidnappé des personnes. Certaines personnes ont été enlevées dans des convois et emmenées à Afrin. Des personnes ont été tuées sur la route. Le sort de ceux qui n’ont pas quitté Shehba montre la barbarie de l’ANS. Les habitants de Shehba nous envoient des messages vocaux disant « nous ne pouvons pas rester ici » parce que tous les jeunes sont arrêtés, des gens sont exécutés. »

Situation dans les quartiers kurdes encerclés d’Alep, Sheikh Maqsoud et Ashrafiyeh

• Le reste de la ville d’Alep ayant été capturé par Hayat Tahrir al-Sham, les quartiers kurdes liés à DAANES sont isolés.
• Il n’y a pas eu de violence à l’intérieur de ces quartiers depuis plusieurs jours, mais les habitants font état d’un climat de tension et de peur.
• La pénurie de produits de première nécessité a entraîné une hausse des prix, le prix du sucre ayant plus que doublé depuis le début de la prise de contrôle de la ville d’Alep par HTS.

Manbij, tenue par les FDS, reste menacée

• Les responsables de l’AADNES mettent en garde contre le risque grave d’un assaut turc contre Manbij, une ville multiethnique située à l’ouest de l’Euphrate et abritant plus de 300 000 personnes faisant partie intégrante du modèle de gouvernance multiethnique de l’AADNES.
• L’armée nationale syrienne soutenue par la Turquie a poursuivi ses attaques le long de la ligne de contact séparant le canton de Manbij (un des 6 cantons de l’AADNES) du territoire occupé par la Turquie et contrôlé par l’Armée nationale syrienne dans le nord de la Syrie.
• Le Conseil militaire des FDS à Manbij a fait état de bombardements répétés de la Turquie et de l’ANS, qui ont tué aujourd’hui deux civils et en ont blessé deux autres, ainsi que de tentatives d’infiltration au sol.
• L’ANS et les FDS se sont affronté à Khafsah et Deir Hafir, près de Manbij.

BULLETIN D’INFORMATION

OFFENSIVE DANS LE NORD DE LA SYRIE

4 décembre 2024

 

Faits principaux

• Selon l’Administration autonome démocratique du nord et de l’est de la Syrie (AADNES), ce sont 120 000 personnes qui seront bientôt déplacées vers le nord-est de la Syrie (NES).
• Il y a une pénurie critique de produits de première nécessité, de nourriture, d’eau, de médicaments et de logements pour ces personnes en exil.
• L’Armée nationale syrienne (ANS) commet des attaques, des vols, des arrestations et des extorsions à l’encontre des civils kurdes qui se trouvent encore à Shehba (Til Rifaat) ou qui tentent de quitter la ville.
• Manbij est sérieusement menacée d’un assaut imminent soutenu par la Turquie, ce qui accentuerait l’instabilité [de la région]. Manbij est gouvernée par l’AADNES et compte une population multiethnique d’environ 300 000 personnes.
• Dans la ville d’Alep, les quartiers kurdes de Sheikh Maqsoud et d’Ashrafiyeh, bien qu’encerclés par Hayat Tahrir al-Sham, restent calmes et aucun combat n’a été signalé aujourd’hui.

 Déplacements forcés vers le nord et l’est de la Syrie

• On estime que 100 000 personnes ont été forcées de fuir la région de Shehba (Til Rifaat), saisie il y a trois jours par les milices de l’Armée nationale syrienne (ANS) soutenues par la Turquie. Elles avaient déjà chassé la majeure partie de la population kurde ainsi que tous les Yézidis et les chrétiens de la région d’Afrin en 2018.
• Des milliers d’autres personnes arabes sont également arrivées au NES, fuyant la violence généralisée dans le nord-ouest de la Syrie.
• Des dizaines de milliers de personnes emploient la périlleuse route vers le nord-est de la Syrie, dormant dans des conditions hivernales glaciales à l’extérieur ou dans des tentes à l’intérieur de campements temporaires.
• La nuit dernière, un bébé de 4 mois originaire d’Afrin est mort de froid après trois jours de route vers Raqqa.
• L’AADNES rapporte avoir reçu 30 000 personnes venant de Shehba à Tabqa et à Raqqa, où des centres d’accueil ont été mis en place.
• En plus des camps temporaires, les conseils locaux de Tabqa et de Raqqa rapportent avoir transformé plus de 20 écoles en centres d’installation temporaires offrant des couvertures, de la nourriture et des vêtements aux personnes déplacées.
• Les évacuations par bus se sont poursuivies de la région de Shehba vers le NES, rejoignant Tabqa et Raqqa, mais certains civils sont toujours bloqués dans la région.
• L’Union des yézidis syriens facilite l’hébergement des familles yézidies arrivant de Tel Rifaat en les installant dans les villages yézidis de Heseké, Tirbespi et Amudé.
• Le RIC s’est entretenu avec Souad Hasso, membre de cette Union à Heseké, qui raconte : « Il y avait 450 familles yézidies à Shehba. Certaines sont restées à Tel Rifaat, d’autres ont rejoint Tabqa et Raqqa. Nous allons les placer dans des villages yézidis à Heseké, Tirbespi et Amude, où il y a des villages yézidis. Nous rencontrons de grandes difficultés. Ces villages ont été largement abandonnés, les maisons sont en ruine. Sur la route, les familles yézidies ont subi des violences. Ahmed Husso a été tué. Sa femme et son frère ont été blessé. À Alep, un Yézidi a été tué. Beaucoup ne sont pas arrivés jusqu’ici. »
• Les organisations humanitaires locales font état de graves pénuries de produits de première nécessité, de nourriture, d’eau, de médicaments et d’hébergement.
• Le Croissant-Rouge kurde a lancé un appel aux dons au vu de la situation humanitaire désastreuse.
• Le co-président du Bureau des affaires des personnes déplacées et des réfugiés de l’AADNES a appelé les Nations unies à ouvrir le poste frontière de Yarubiyah (Tel Kocher), qui constituerait une artère vitale pour l’acheminement de l’aide. Semalka (Faysh Khabour) est le seul poste frontière humanitaire fonctionnel du NES, puisque le poste de Yaroubiyah (Tel Kocher) a été fermé en 2019 à la suite d’un veto du Conseil de sécurité des Nations unies.

 Violence et violations des droits de l’homme par l’ANS à Shehba et Afrin

• L’ANS (Armée nationale syrienne) se serait emparée des maisons des civils kurdes dans les villages et les villes occupées.
• En plus des vols et des extorsions, les civils qui sont restés à Shehba sont victimes d’arrestations illégales et de menaces de mort.
• Il y a deux jours, une femme kurde handicapée de 40 ans, Amina Hanan, a été tuée par l’ANS dans sa maison à Tel Rifaat.
• Une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux montre des combattants de l’ANS et un individu portant ce qui semble être un gilet de presse agresser des prisonniers à Tel Rifaat.
• Les civils kurdes qui rentraient à Afrin ont été fouillés et leurs biens ont été confisqués par l’ANS. Au moins une cinquantaine ont été arrêtés par l’ANS à leur retour.
• 50 bus qui ont quitté Shehba en direction du NES pour évacuer des personnes déplacées n’ont pas pu atteindre leur destination, apparemment bloqués par des combattants de l’ANS.

 Situation à Sheikh Maqsoud et Ashrafiyeh, quartiers kurdes d’Alep

• Ces quartiers continuent de souffrir du siège après que le reste d’Alep ait été saisi par Hayat Tahrir al-Sham (HTS).
• Les négociations entre les SDF/AADNES et les forces environnantes de HTS qui les entourent se poursuivent. Les représentants des SDF déclarant que les habitants décideront s’ils veulent partir ou rester.
• On s’attend à un nouvel exode de réfugiés civils vers l’AADNES, quelle que soit l’issue des négociations, mais plusieurs milliers de personnes resteront également sur place.
« Les pénuries d’eau et de nourriture s’aggravent », a déclaré un habitant du quartier d’Ashrafiyeh au RIC.

« Tant Sheikh Maqsoud qu’Ashrafiyeh avaient déjà subi des attaques de la part des factions mandataires de la Turquie par le passé. De 2012 à 2016, ces quartiers ont été attaqués. Les habitants ont refusé d’être déplacés ; ils sont restés. Aujourd’hui, nous sommes à nouveau attaqués. Toutefois, les deux derniers jours ont été relativement calmes, sans combats dans nos quartiers. HTS n’est pas entré jusqu’à présent. Des gens d’autres parties de la ville d’Alep nous ont également rejoint dans nos quartiers, en raison de la relative sécurité qui y règne. Certains ont peur des règles du HTS, comme l’imposition du hijab pour les femmes. Les gens appréhendent une résurgence de quelque chose qui s’apparenterait à ISIS. Ils s’y préparent. »
Hamude, journaliste d’Alep, interview menée par le RIC.

« En ce moment, à Sheikh Maqsoud et Ashrafiyeh, la situation est calme, mais reste très menaçante parce qu’Alep est entièrement aux mains de HTS. Nous essayons de répondre aux besoins de la population. Les gens ont peur – ils voient que les personnes déplacées qui ont quitté Afrin sont maintenant à nouveau déplacées à Tabqa – mais leur esprit de résistance leur redonne le moral. Personne ne quitte les quartiers et ne veut se risquer dans la zone des HTS. »
Rosheen, représentante de l’association Mala Yezidi, interview menée par le RIC.

 Frappe de drone turque sur des civils du NES

• Une attaque de drone turc a visé une voiture près du dépôt de bus dans la ville de Derik, tuant deux civils et en blessant deux autres.
• Il s’agit de la deuxième attaque de drone turc dans le NES au cours de la semaine dernière. La première s’est déroulée il y a trois jours, elle a tué un homme de 20 ans, Aziz Sheikho, alors qu’il conduisait sur la route entre Qamishlo et Heseké.

Affrontements à Manbij

• Les responsables de l’AADNES mettent en garde contre le risque élevé d’un assaut turc contre Manbij, située à l’ouest de l’Euphrate.
• Le Conseil militaire de Manbij des FDS a fait état de bombardements répétés de la part de la Turquie et de l’ANS, ainsi que de tentatives d’infiltration au sol.
• L’ANS et le SDF ont été engagés dans des affrontements à Khafsah et à Deir Hafir, près de Manbij.