Comment la corruption et le racisme aggravent les conséquences du séisme
Alarmés par les témoignages de nombreuses victimes, Rise Up 4 Rojava a mené l’enquête sur les politiques publiques en Turquie sur la question de la prévention des risques sismiques et du secours. Celle-ci révèle des abus anciens et récents dans le sud-est de la Turquie (dépendant du gouvernement d’Ankara).
Avec ce dossier, l’organisation publie aussi une déclaration adressée à ses allié-es, appelant au soutien face à l’abandon que vivent les populations kurdes.
Rise Up 4 Rojava est une campagne et une plateforme d’organisations qui agissent pour soutenir concrètement la révolution du Rojava, du Kurdistan et son mouvement de libération et bloquer, occuper, et perturber les alliances économiques et militaires des États fascistes et impérialistes engagés dans la colonisation du Kurdistan. Le réseau Serhildan est membre de cette plateforme.
Introduction du dossier
Comprendre et démêler les responsabilités humaines et politiques dans les catastrophes de l’ampleur du tremblement de terre qui a frappé des dizaines de milliers de personnes le 6 février est aussi complexe que nécessaire. Il est prouvé depuis longtemps que pour des événements naturels similaires, les conséquences humaines varient. Cela est dû, bien sûr, aux contextes socio-économiques (des pays comme Haïti ou le Japon en sont des exemples extrêmes) mais aussi au degré de corruption et d’inégalités au sein du territoire¹. La plupart des médias qui traitent des souffrances des populations au sein des frontières des États syrien et turc ont omis (soit délibérément, soit par ignorance) de souligner que la majorité des
habitants de la région sont des Kurdes. Mais elle abrite également des Alévis et des Arabes et est connue pour être un bastion démocratique. C’est tout sauf un détail quand on connaît l’histoire des répressions subies par ces populations et leurs efforts d’auto-organisation, constamment mis à mal par des gouvernements convaincus que l’unité passe par la centralisation, l’uniformité et le contrôle.
Alarmés par les témoignages de nombreuses victimes, nous avons mené des enquêtes qui révèlent des abus anciens et récents dans le sud-est de la Turquie (dépendant du gouvernement d’Ankara). Certains éléments liés aux différentes administrations turques nous semblent importants et font l’objet de ce texte.
Déclaration de la campagne Rise Up 4 Rojava
A nos camarades, alliés de la Révolution du Rojava, à toutes les forces antifascistes, anti-impérialistes & démocratiques
Environ 3 semaines après le tremblement de terre dévastateur qui a frappé le Rojava, la Syrie, le Bakur et la Turquie, outre l’ampleur du désastre, avec près de 43 000 morts et probablement des milliers de personnes encore ensevelies sous les décombres non déblayés, il apparaît clairement que l’État turc, dans le sillage de cette crise, ne recule devant aucun moyen pour tirer un profit politique du désastre, dont l’ampleur est imputable aux politiques du régime AKP-MHP. Ce régime a enterré vivant le peuple du nord du Kurdistan et de la Turquie pour en tirer des profits et doit en être tenu pour responsable. La façon dont le régime gère les conséquences du tremblement de terre est une continuation du génocide contre le peuple kurde et nous nous attendons à de nouvelles attaques contre l’autodétermination du peuple.
Laissé seul par l’État, le peuple redécouvre sa propre force, fait preuve de solidarité et s’appuie ainsi sur l’expérience de l’autonomie, qui s’était construite au Bakur jusqu’à ce que les villes kurdes soient rasées par les chars turcs en 2015. Cette démarche doit également être soutenue de l’extérieur. L’État turc fasciste, bien conscient de ce fait, semble utiliser la situation actuelle afin de forcer le changement démographique au Kurdistan du Nord.
Face au désastre humanitaire, nous continuons à appeler aux dons pour le Croissant-Rouge kurde. Des centaines de milliers de personnes se sont retrouvées sans abri à cause du tremblement de terre, et l’approvisionnement en produits de première nécessité est limité. Les organisations d’aide turques sont désormais des outils du régime par le biais des banques et il est peu probable que les dons arrivent réellement à destination.
Au Rojava, où les zones illégalement occupées par la Turquie à Afrin et Sheikh Maqsoud à Alep, qui est soumis au blocus syrien, sont particulièrement touchées, l’aide en provenance de l’AANES (Rojava) est bloquée. Les gangs islamiques de la soi-disant Armée nationale syrienne (SNA) et la branche syrienne d’Al-Qaïda HTS (Hay’at Tahrir al-Sham) contrôlent la distribution de l’aide internationale qui entre dans les zones contestées via la Turquie, et retiennent apparemment l’allocation aux Kurdes.
Tant en ce qui concerne les reportages sur la Turquie que sur la situation dans les territoires occupés du Rojava/Syrie, la presse internationale est largement décevante : D’un côté de la frontière, on ne mentionne pas le fait que les victimes du tremblement de terre sont principalement des Kurdes, des Alévis et des Arabes, ni le fait que les habitants de la région s’engagent intensément dans la politique démocratique. De l’autre côté de la frontière, d’anciens chefs d’Al-Qaida sont présentés sans autre forme de procès comme des rebelles syriens.
Alors que l’énorme armée turque n’a toujours pas bougé pour secourir les survivants, quelque 24 heures après le tremblement de terre, la Turquie a mené des attaques d’artillerie contre les personnes touchées par le séisme à Tel Rifaat. Les attaques de drones au Rojava se poursuivent sans relâche, tout comme la guerre contre la guérilla dans les montagnes du sud du Kurdistan, malgré un cessez-le-feu unilatéral annoncé par le comité central du PKK peu après le séisme. L’utilisation d’armes chimiques se poursuivrait.
Combien coûte un obus d’artillerie ?
D’énormes efforts sont maintenant requis, des abris sûrs doivent être mis en place, la distribution de nourriture et d’eau potable doit être organisée & des milliers de maisons devront être construites. Un seul obus d’artillerie tiré sur nos camarades au Rojava ou dans les montagnes du Sud-Kurdistan coûte au moins 1 000 dollars. Des centaines d’entre eux sont tirés chaque semaine. Les heures de vol de dizaines d’hélicoptères d’attaque, de jets et de drones dévorent des milliards, à une époque où l’économie turque sinistrée devrait épuiser toutes ses ressources pour aider les victimes du tremblement de terre. Les priorités du régime deviennent claires une fois de plus : le génocide du peuple kurde et la lutte contre la révolution au Rojava, contre toute approche de démocratisation en Turquie. Celles-ci se poursuivent alors que la population est évincée, pour le profit et la guerre du régime et de l’État profond.
Mais au Rojava et au Kurdistan du Nord, la population réfléchit à sa propre force, la conscience que l’on ne peut pas compter sur l’État pénètre également de plus en plus la société turque et ronge les fondations déjà chancelantes du régime AKP-MHP. C’est pourquoi le régime s’appuie fortement sur le contrôle de l’information, comme lorsque Twitter a été bloqué dans les premières heures qui ont suivi le tremblement de terre, qui a d’ailleurs coûté des vies, car les victimes utilisaient la plateforme pour appeler à l’aide et partager leur localisation. Le régime sait que lorsque qu’il perdra le contrôle du récit, il s’effondrera.
En cette période où beaucoup de choses sont en mouvement, portons notre solidarité symboliquement et pratiquement dans la rue. La résistance de la guérilla dans les montagnes du Kurdistan montre que même la plus grande armée n’est pas invincible. Le Rojava défie toutes les attaques et nous prouve qu’une alternative à l’exploitation du capitalisme et à l’État-nation potentiellement fasciste est possible. Nous pouvons mettre à l’ordre du jour, où que nous soyons, les attaques du fascisme turc avec des armes chimiques interdites. Nous pouvons contrer l’indifférence vis-à-vis des attaques contre le Rojava et exposer la propagande de l’État turc et de ses maîtres impérialistes.
Un autre monde est possible au Kurdistan et dans chaque endroit du monde où les gens prennent conscience de leur propre pouvoir et s’organisent. La lutte contre le fascisme reste internationale, la lutte pour la liberté des peuples du Moyen-Orient est légitime et ce sont les valeurs universelles qui sont défendues dans les montagnes du Kurdistan.
Nous, en tant que campagne internationale Riseup4Rojava, faisons partie de cette lutte. Nous appelons tous ceux qui se sentent liés à la révolution au Rojava à intensifier leurs efforts, nous appelons tous les antifascistes à lutter contre le fascisme turc en tout lieu. Si nous mobilisons nos forces et nous tenons côte à côte avec nos camarades du Kurdistan et du Moyen-Orient, nous serons en mesure d’apporter notre contribution au renversement du régime AKP-MHP.
Les jours du fascisme sont comptés, un nouveau monde se lève à l’horizon.
Smash Turkish Fascism!
Riseup4Rojava!
RiseUp4Rojava – Campaign,
23 rd February 2023