En mémoire d’Anna Campbell et des martyrs des îles britanniques
Le 15 mars 2018, Hêlîn Qereçox (Anna Campbell) tombait martyre en défendant Afrin, attaquée par l’État turc. Elle combattait au sein des YPJ, les Unités de défense des femmes. 7 autres internationalistes originaires des îles britanniques sont tombés martyrs entre 2015 et 2017 au Rojava.
Nous leur rendons hommage avec ces deux textes, écrits respectivement par la Commune Internationaliste du Rojava et le Kurdistan Solidarity Network.
Les révolutionnaires sont immortels, par le Kurdistan Solidarity Network
Cette semaine est la « semaine de l’héroïsme », au cours de laquelle nous commémorons ceux que nous avons perdus dans la lutte.
« Les martyrs ne meurent jamais », c’est le cri lancé lors des cérémonies commémoratives organisées par le Mouvement de libération du Kurdistan. Mais la culture des Şehîd (Şehîd, sheh-heed = martyr) est plus qu’un simple rituel. C’est un mode de vie. Au début, cela semble difficile à comprendre : s’agit-il d’une vie après la mort ? De la glorification de la mort ? Comment les gens peuvent-ils être si affectés par la mort de personnes qu’ils ne connaissaient pas ?
Si de nombreuses personnes au sein du mouvement sont croyantes, la culture des martyrs elle-même est quelque chose de terrestre, qui repose sur la vie que nous menons. Lorsque nous répétons que nos amis ne meurent pas, nous formulons une promesse : nous garderons leur mémoire vivante, nous nous battrons pour ce pour quoi ils et elles se sont battu-e-s, nous ferons ce qu’elles auraient fait, nous partagerons des histoires, nous raconterons leurs blagues. Nous continuerons à tracer les lignes qu’elles dessinaient.
On devient martyr si l’on donne sa vie au combat, à la beauté, à la vie elle-même. Il ne s’agit pas de se jeter sur la mort. Il ne s’agit même pas de savoir comment on meurt, il n’est pas nécessaire que ce soit au combat. Si vous avez vécu de manière telle que quelqu’un ramasse votre arme, qu’il s’agisse d’un pistolet ou d’un stylo, et continue à se battre, alors vous êtes un martyr. Et même si nous ne nous connaissions pas, nous ressentons votre perte dès lors que nous sommes engagées dans le même combat.
Il est impossible d’énumérer tous les amis que nous avons perdus et dont nous suivons les traces. Nous sommes portés par ceux qui nous ont précédés. Mais cette semaine, le Kurdistan Solidarity Network rendra hommage à quelques-uns de ceux qui nous étaient proches ou qui revêtent une importance particulière dans notre contexte.
Nous commençons par les huit volontaires internationaux de ces îles qui sont tombés en combattant avec les YPG/J au Rojava. Nous avons récemment commémoré l’anniversaire de la mort de certains d’entre eux. Ainsi aujourd’hui, nous aimerions rendre hommage à :
Mehmet Aksoy/Firaz Dağ (, Elbistan – 26 septembre 2017, Raqqa)
Anna Campbell/Hêlîn Qereçox (12 juin 1991, Lewes- 15 mars 2018, Afrin)
Dean Carl Evans/Gîvara Rojava (7 October 1993, Reading – 21 juillet 2016, Manbij)
Oliver Hall/Canşêr Zagros (28 October 1993, Gosport – 25 November 2017, Raqqa)
Jac Holmes/Şoreş Amanos (18 January 1993, Poole – 23 October 2017, Raqqa)
Ryan Lock/Berxwedan Gîvara (1996 – 21 décembre 2016, Raqqa)
Luke Rutter/Soro Zinar (1995 – 5 juillet 2017, Raqqa)
Konstandinos Erik Scurfield (22 September 1989 – 2 mars 2015, Tal Khuzela)
pour ce qu’ils et elles représentent collectivement : l’internationalisme, la lutte pour ses convictions en dépit des difficultés et des complications, la défense de l’avenir.
Merci, cher-e-s ami-e-s. Nous sommes à vos côtés. Nous vous garderons en vie.
Kurdistan Solidarity Network, 22 mars 2021
Pour notre amie Hêlîn Qereçox, par la Commune Internationaliste du Rojava
“La révolution sera la floraison de l’humanité comme l’amour est la floraison du cœur.”
Louise Michel
Hier nous avons reçu la nouvelle que notre amie et camarade internationaliste Hêlîn Qereçox (Anna Campbell) a été tuée dans une attaque de l’armée turque à Afrin. Ce message nous frappe en plein cœur, nous connaissions la camarade Hêlîn en tant qu’amie et en tant que sœur.
Hêlîn est venue au Rojava parce qu’elle croyait profondément au combat pour un monde libre, égalitaire et éthique, parce qu’elle était engagée de tout son cœur dans la lutte pour la libération des femmes partout dans le monde. Hêlîn était une personne très claire dans son cœur et toute personne qui la rencontrait pouvait le ressentir instantanément. Elle était tellement claire dans ses convictions et son attitude envers son entourage, se souciant toujours des personnes autour d’elle, toujours dans l’apprentissage, toujours intervenant quand elle était témoin d’une injustice. Elle se battait contre les hiérarchies et la domination pour tous les êtres vivants. Elle luttait contre les prisons et les frontières qui retiennent et kidnappent les personnes, et contre tous les murs qui sont construits dans chacun-e de nous par le capitalisme, le patriarcat et la mentalité de l’état.
Elle avait toujours voulu aller à Afrin et quand les attaques ont commencé il était clair pour elle qu’il fallait qu’elle s’y rende et qu’elle résiste à l’invasion turque aux côtés de ses camarades des YPJ. Elle était convaincue que la défense de la révolution des femmes et du Rojava n’était pas limitée au combat contre l’État Islamique – qu’elle avait rejoint auparavant à Deir-Ezor – mais aussi et particulièrement contre le fascisme turc à Afrin.
Elle a vécu le caractère internationaliste de cette révolution. Elle était une révolutionnaire dans sa propre région et elle a combattu ici aussi en tant que révolutionnaire. Elle se réclamait anarchiste, dans la lignée de Louise Michel et elle avait la volonté de lutter pour la libération contre toutes les structures de pouvoir et d’oppression qui rabaissent les gens. Elle a toujours eu un esprit rebelle qui la faisait s’accrocher à ses convictions dans les situations les plus difficiles.
Sa mort nous met en colère. Pourquoi devons-nous perdre une si belle personne, si engagée ? Une personne beaucoup plus conséquente dans la défense des valeurs éthiques que tous les États européens – qui n’ont pas empêché la Turquie de mener ses attaques. Nous tenons pour responsable de sa mort non seulement l’Etat turc, mais tous les États qui n’ont rien fait pour arrêter l’invasion d’Afrin – et ce encore plus quand ils vendent des armes et participent à la propagande turque, désignant comme “terroristes” Hêlîn, ses camarades et le peuple d’Afrin. Tous ces États sont complices de son meurtre.
Connaître Hêlîn nous donne de la force. Elle nous inspire et son combat et son dévouement vivront en nous. Nous pouvons être bombardées et tuées, mais personne ne peut détruire notre espoir et notre volonté. Élever le degré de la lutte et de la solidarité internationaliste est la seule réponse que nous pouvons donner à la mort de la camarade Hêlîn et de tou-te-s les ami-e-s et camarades qui sont tombé-e-s lors de cette résistance. Nous allons prendre notre revanche en construisant et défendant une vie libre, sur les pas d’Hêlîn. Avec toute notre volonté, amour, dévouement et puissance féministe.
“If I can’t dance I don’t want to be part of your revolution !”
Emma Goldman
Şehîd namirin !
Jin, jiyan, azadî !
Vive la commune !
¡No pasaran!
La Commune Internationaliste du Rojava, 18 mars 2018