Presse kurde : 125 ans de combat pour la vérité

Avr 29, 2023Expériences et analyses, Histoire

Après 10 mois en détention préventive, le bureau du procureur général de Diyarbakır a préparé un acte d’accusation de 728 pages contre contre 18 journalistes, dont 15 ont été arrêtés à Amed le 16 juin 2022, pour “appartenance à une organisation illégale”. Dans l’acte d’accusation, la diffusion des programmes et des informations des journalistes sur les chaînes de télévision kurdes a été considérée comme des “liens organisationnels”. Le procès aura lieu le 11 juillet. Quelques jours plus tard, le mercredi 26 avril, une nouvelle opération a visé la presse kurde à Diyarbakir. Plus de 20 journalistes ont été placé.es en garde à vue, certain.es ensuite en détention provisoire.

Dans un article publié sur le site de Mezopotamya Ajansi, le journaliste Mehmet Aslan revient sur 125 ans de lutte de la presse kurde. Un panorama qui sans être exhaustif (l’auteur, basé en Turquie, ne peut évidemment évoquer les médias du PKK, interdits là-bas), retrace l’histoire d’un combat pour la vérité, et contre l’hégémonie des médias aux mains du pouvoir.

Mîqdat Mîdhat Bedîrxan et ses amis, exilés au Caire, ont publié le premier numéro du journal du Kurdistan le 22 avril 1898. Depuis cette date, les pressions, les violences, les tortures, les assassinats et les arrestations visant la presse kurde n’ont pas cessé. Envers et contre tout, celle-ci s’obstine aujourd’hui encore à diffuser par le biais de dizaines d’agences, de journaux, de magazines, d’émissions de radio et de télévision les réalités occultées par les autres médias.

Les débuts.

Le journal Kurdistan a été publié en Égypte jusqu’à son cinquième numéro, puis à Genève en raison de l’oppression du régime ottoman. Le journal, publié en kurde et en kurde-turc, est ensuite imprimé à Londres des numéros 20 à 23, à Folkston du 24 à 29, et de nouveau à Genève pour les numéros 30 et 31. Interdit par l’Empire ottoman, le journal est distribué secrètement dans les régions kurdes, ainsi que dans les environs de Damas et Adana, et en Europe. Alors que Kurdistan était en circulation, la famille Bedirxan a également publié Ummid. Ce journal, qui opérait en Égypte, était publié tous les 15 jours et affichait sa position comme suit : “Le journal, qui sert à exprimer les problèmes de la nation, est au service de celle-ci et du pays“.

Avec la proclamation dans l’Empire ottoman de la deuxième monarchie constitutionnelle le 23 juillet 1908, l’Association kurde Teavün ve Terakki, active à Istanbul, a commencé à publier le journal “Kurd Teavün ve Terakki” le 9 novembre 1908. Contrairement à Kurdistan, ce journal, le premier de son genre, était publié dans les dialectes kurmandji et sorani.

Le journal Şark et Kurdistan.

Le 20 novembre 1908, le journal Şark ve Kurdistan (Est et Kurdistan) a été fondé à Cağaloğlu, Istanbul. Publié deux fois par semaine et composé de quatre pages dans chaque numéro, le journal couvrait la situation du Kurdistan, de la Bosnie-Herzégovine et des questions liées aux Kurdes de cette région. Dans le premier numéro, Malatyalı Bedrî, dans un article intitulé “Pauvres citoyens kurdes et arméniens”, a mis en avant la question des droits des opprimés vivant dans l’Empire ottoman avec des déclarations telles que “Les Kurdes, les Arméniens et les autres nations se voient comme des frères“. Bien qu’on ne sache pas combien de numéros ont été publiés, il est resté trois impressions du journal. Les écrits de Said-î Kurdî étaient également inclus dans ces numéros. Dans la première parution, Kurdî mettait en garde au sujet des droits fondamentaux des Kurdes et de l’éducation kurde, mais l’administration du sultan Abdülhamid II a réagi sévèrement à son encontre. Kurdî fut interné dans un asile.

Un premier quotidien.

Serbesti a été le premier quotidien de l’histoire de la presse kurde. Il a commencé à paraître le 13 décembre 1908 à Istanbul. Le propriétaire du journal s’appelait Mevlanzade Rıfat et le rédacteur en chef Hasan Fehmi. Fehmi, qui critiquait sévèrement l’administration du Comité Union et Progrès, a été assassiné le 6 avril. L’assassinat de Fehmi a marqué le début du soulèvement du 31 mars contre le gouvernement progressiste. D’autre part, le 6 avril, jour de l’assassinat de Fehmi, a été reconnu comme la “Journée des journalistes assassinés”. Après le meurtre de Fehmi, le journal a commencé à être publié à Paris et en Égypte. Il critiquait alors durement le Comité Union et Progrès. Rıfat, qui est revenu en Turquie grâce à l’amnistie accordée par la suite, a recommencé à publier Serbesti le 29 juillet 1912. Le journal compte 770 numéros au total. Publié jusqu’au 5 avril 1920, sa politique éditoriale était la neutralité, la protection des acquis de la monarchie constitutionnelle, l’opposition sévère au Comité Union et Progrès et la défense de la “décentralisation”.

De Rojî kurd…

Fondé le 27 juillet 1912 par la Société Hêvî des étudiants kurdes, Rojî Kurd a été publié en tant que magazine politique mensuel le 6 juin 1913 avec Selahattin Eyyubi (ndlr : Saladin) en couverture. Le magazine, dont le nom signifie “Soleil kurde”, a sorti au total quatre numéros en langues kurde et ottomane. Il a publié également des poèmes de poètes tels qu’Ehmedê Xanî. Il accordait une grande importance à la langue kurde et s’efforçait de former une conscience historique commune, d’établir l’unité entre les Kurdes et de leur faire prendre conscience de leur “nous”.

…à Yekbûn.

Rojî kurd est fermé par le Comité de l’Union et du Progrès après le dernier numéro publié le 12 septembre 1913. Le même mois, grâce aux efforts des membres de l’association des étudiants kurdes Hêvî, le journal Yekbûn (Unité) a commencé à paraître à Istanbul. Il était publié tous les trois jours en kurde et en turc.

Hetawî kurd – lumière kurde.

Environ un mois et demi après l’arrêt de la publication de Rojî Kurd, un autre magazine a été publié par l’association des étudiants kurdes Hêvî sous le nom de Hetawî Kurd, qui signifie “Lumière kurde”. Plus de 10 numéros de ce magazine, publié à Istanbul comme une sorte de continuation de Rojî Kurd, ont été imprimés. Le magazine a continué de paraître jusqu’au premier semestre 1914, mais lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté, la plupart des membres de l’association et du personnel du magazine ont été enrôlés dans le service de mobilisation obligatoire. La publication de Hetawî Kurd a alors cessé.

Jîn – la vie.

Vers la fin de l’année 1918, le magazine Jîn a été fondé à Istanbul. Jîn, qui signifie “Vie”, a commencé à être publié chaque semaine en tant qu’organe de presse de la Société théologique kurde de l’époque, et au moins 36 numéros ont été imprimés. Distribué dans les villes du Kurdistan, le magazine traitait de sujets tels que la question de la nationalité kurde, la politique, l’histoire, la langue, la littérature, l’éducation, les questions relatives aux femmes, le folklore, etc.

Interdiction.

La pièce de théâtre kurde “Memê Alan”, la première écrite en kurde par Abdurrahman Rahmi de Hakkari, l’un des écrivains et poètes réguliers du magazine, a également été publiée dans Jîn, ainsi que les écrits d’İhsan Nuri, un des chefs du soulèvement d’Ararat. Il contenait des articles et des réflexions sur les problèmes rencontrés par les Kurdes et sur la déclaration de Wilson selon laquelle « chaque nation a le droit à l’autodétermination ». Parmi ces écrits, un article du Dr Abdullah Cevdet, intitulé « Les Kurdes ne dorment pas », publié dans le premier numéro, reprend les paroles de Prométhée à Jupiter, « Ma lumière brûlera tes cieux, la vie jaillira de chaque côté de moi ». Les mots suivants ont été inclus : « O Kurde, je ne vois pas la nécessité de te dire de te réveiller. Car si les Kurdes dorment, s’ils dorment encore, c’est qu’ils sont déjà morts. Le Kurde est éveillé et il réveillera ses maîtres qui l’ont appelé à dormir pendant des siècles et qui se sont eux-mêmes endormis. »

Dans un télégramme, Mustafa Kemal Atatürk à la province d’Erzurum le 28 avril 1920, celui-ci a ordonné que Jîn ne soit pas autorisé à entrer dans la ville.

Le magazine Kurdistan.

Après la Première Guerre mondiale, le Kurdistan Teali Cemiyeti a aussi publié le magazine Kurdistan. Le premier numéro de cet hebdomadaire imprimé à Istanbul, est sorti le 30 janvier 1919. On sait que plus de 30 numéros de ce magazine, écrit en kurde et en turc ottoman, sont parus.

La presse kurde au XXème siècle.

Entre 1920 et 1990, alors que le simple fait d’être Kurde était un motif suffisant pour être emprisonné et torturé, la presse kurde était presque morte dans son propre pays. Mais des magazines et des journaux ont continué à être publiés sous la direction d’intellectuels kurdes en Irak, en Syrie et au Liban…

Riya Teze, publication kurde en cyrillique.

Après le journal Kurdistan, le journal le plus ancien est le journal Riya Teze. Ouvert à Erevan, capitale de l’Arménie, en 1930 par trois Arméniens nommés par le Parti communiste qui maitrisaient très bien la langue kurde, il a été repris par des journalistes kurdes après sa quatrième année d’existence. Le journal a été fermé en 1937, lorsque la langue, la culture et la musique kurdes ont été interdites.

Relancé en 1955, Riya Teze est entré dans l’histoire comme le seul journal kurde publié sous l’Union soviétique. Le journal, qui était l’un des organes de publication du Parti communiste, était distribué non seulement en Arménie, mais aussi dans toute l’Union soviétique. Composé de 4 pages et imprimé deux fois par semaine jusqu’en 1994, il a été contraint de fermer ses portes en 2003 pour des raisons économiques. Il a utilisé l’écriture cyrillique pendant un certain temps puis l’écriture latine dans ses dernières années.

Jiyan.

Entre 1926 et 1936, le poète et journaliste kurde Süleyman Tevfik, connu sous le nom de Pîrêmerd, a publié le magazine Jiyan dans la ville de Süleymaniye, dans ce qui est aujourd’hui la région autonome du Kurdistan en Irak. Après 10 numéros, le magazine a été fermé par les autorités. Suite à cette interdiction, le 22 décembre 1939, Pîrêmerd a poursuivi ses publications avec un magazine appelé Jîn. Ce magazine a été publié jusqu’au 15 juin 1950.

Hawar.

Publié à Damas, la capitale de la Syrie, par Celadet Elî Bedirxan à partir du 15 mai 1932, le magazine Hawar (ndlr : Cri d’alarme) est entré dans l’histoire en utilisant pour la première fois l’alphabet latin dans la presse kurde. Le magazine de 20 pages, dont 16 en kurde et 4 en français, a été imprimé en caractères arabes et latins du premier au 23ème numéro. Dans les numéros suivants, Hawar a été publié uniquement en alphabet latin.

Hawar a poursuivi sa publication malgré de grandes difficultés et beaucoup de pressions, puis a dû la suspendre à plusieurs reprises pour des raisons économiques. Écrit principalement en kurde Kurmandji, il comprenait également les dialectes Dimilki et Sorani. Des intellectuels kurdes tels que Nureddîn Zaza, Qadrîcan et Cigerxwîn ont fait la renommée du journal. Hawar, qui publiait des articles, des poèmes, des nouvelles et des essais, a également traduit en kurde les poèmes de nombreux poètes français et a traduit de nombreuses œuvres kurdes en français. En menant des études sur la grammaire kurde, Celadet Elî Bedirxan, propriétaire de Hawar, et l’équipe de Hawar ont introduit dans l’écriture kurde l’alphabet latin-kurde et la grammaire kurde, qui sont toujours utilisés aujourd’hui.

Tous les numéros du magazine ont été republiés en deux volumes par Nudem Publications en 1989. Lancé en 1932 à Damas, le magazine Hawar a sorti 57 numéros jusqu’au 15 août 1943.

Le magazine Ronahî.

Le magazine Ronahî, également publié par Celadet Elî Bedîrxan à Damas en 1942, s’adressait à ses lecteurs dans le dialecte kurde Kurmandji écrit en alphabet latin. Ronahî, qui était une première à l’époque en raison de l’utilisation de peintures et de photographies pour l’illustration, a été publié pendant 28 numéros au total et a été fermé en 1945. De nombreux intellectuels kurdes tels que Celadet Elî Bedîrxan, Osman Sebrî, Hesen Hişyar, Cigerxwîn, qui avaient déjà écrit pour Hawar, ont également écrit pour Ronahî.

Stêr magazine.

En 1943, Beyrouth devient le centre de la presse kurde. Stêr Magazine, publié par le Dr Kamuran Bedîrxan, ne peut paraître que pour trois numéros. Le premier a été publié en décembre 1943, le deuxième en février 1944 et le troisième en 1945.

Apê Musa.

L’odyssée de la presse kurde a tourné une nouvelle page dans les années 1950 avec l’intellectuel kurde Musa Anter (Apê Musa). Par ses activités de presse, Apê Musa a allumé un nouveau flambeau dans son histoire en rendant visible un peuple ignoré en Turquie, et en mettant en lumière des vérités que l’on voulait laisser dans l’ombre. Apê Musa, qui a commencé à écrire pour Şark Postası et Dicle Kaynak après avoir quitté la faculté de droit de l’université d’Istanbul, a été arrêté en 1959 pour son poème kurde “Qimil/Kımıl” paru dans le journal İleri Yurt. D’abord condamné à la peine de mort, sa sentence est commuée en emprisonnement. Libéré après le coup d’État de 1960, Apê Musa a écrit pour les magazines Deng, Barış Dünyası et Yön. Il a aussi écrit pour Dicle-Fırat, Azadiya Welat, Yeni Ülke, Özgür Gündem, Rewşen et Tewlo à différentes périodes, et publié 7 livres ainsi qu’un dictionnaire kurde-turc. Pour avoir lutté pendant de nombreuses années en tant qu’homme politique, intellectuel et journaliste, il a passé 11 ans de sa vie en prison. Apê Musa est assassiné par le JİTEM (ndlr : escadrons de la mort turcs) le 20 septembre 1992 dans le quartier Seyrantepe d’Amed, où il s’était rendu pour assister à un festival culturel et artistique. 29 ans après ce crime, ses auteurs sont toujours protégés. Le nouveau flambeau allumé par Apê Musa s’est transformé en une culture de liberté de la presse depuis les années 1990. Les successeurs d’Apê Musa continuent de porter ce flambeau malgré les attaques et les pressions.

Une culture de la presse libre et indépendante.

Les premiers pas vers une presse libre, qui soit une alternative aux médias traditionnels en Turquie, ont été faits le 22 avril 1990 avec la publication de l’hebdomadaire Halk Gerçeği (ndlr : La vérité du peuple). Depuis lors, cette culture de la presse indépendante, qui a permis la parution de plus de 50 hebdomadaires et quotidiens, n’a pas dévié de sa ligne un seul instant malgré toutes les pressions. Après 33 ans d’expérience de la presse libre, plus de 10 journaux en langue kurde, plus de 10 agences de presse, des dizaines de chaînes de radio et de télévision continuent à diffuser. Les organes de presse indépendants, qui ont toujours été du côté du peuple et de la vérité, ont été la cible de toutes sortes de violences : attentats à la bombe, cambriolages, fermetures, raids et destructions.

Le journal Halk Gerçeği.

Après la fermeture du journal Halk Gerçeği, fondé sous la direction éditoriale de Hüseyin Aykol et publié à partir du 22 avril 1990, le journal Yeni Halk a commencé à paraître. Vers la fin de l’année 1990, Yeni Halk a été fermé par la direction du journal et Yeni Ülke a été lancé le 20 octobre 1990. Cependant, le bureau d’Amed du journal a été attaqué dès la première semaine.

Pour la liberté.

Özgür Gündem, dont la voix et le souffle sont encore perceptibles, a commencé à publier le 30 mai 1992. Le 14 avril 1994, le journal a été fermé par décision de justice, mais a réussi à poursuivre sa publication sous différents noms pendant une longue période. Au cours de la première période de publication du journal, 27 employés, dont des rédacteurs, des reporters et des distributeurs, ont été assassinés, la plupart d’entre eux par des “inconnus”. En outre, un grand nombre de ses bureaux ont été attaqués. Des procès ont été intentés contre 486 des 580 numéros publiés et les employés du journal ont été condamnés à un total de 147 ans de prison. Le journal a été confisqué à plusieurs reprises en raison d’accusations de “propagande”.

Attaques à la bombe.

Le 10 décembre 1993, des centaines de policiers ont fait irruption dans le local du journal et ses employés ont été arrêtés. Après la dissolution de facto de la rédaction d’Özgür Gündem, Özgür Ülke a commencé à paraître le 28 avril 1994. Trois bureaux du journal ont été simultanément attaqués à la bombe le 4 décembre 1994. Ersin Yıldız, employé du journal, a perdu la vie et 21 autres employés ont été blessés. Des documents ont révélé que l’ordre de l’attentat avait été donné par le Premier ministre de l’époque, Tansu Çiller. Malgré cela, le journal a continué à paraître sans interruption. Özgür Ülke a titré après les explosions : “Ce feu vous brûlera aussi”. Sur les 247 numéros du journal, 220 ont été confisqués. Sept rédacteurs en chef du journal ont été arrêtés. Özgür Ülke a été fermé par la Cour pénale d’Istanbul le 2 février 1995, avant d’avoir terminé sa première année, au motif qu’il était la continuation d’Özgür Gündem.

MED TV, première chaîne de télévision.

Avec l’extension de la lutte du peuple kurde pour son existence, la radiodiffusion s’est également développé. Le 15 juin 1995, Med TV a été créée à Londres. La licence de Med TV, la première chaîne de télévision kurde, a été annulée le 23 avril 1999 à la demande de la Turquie. Medya TV, qui a été créée à sa place, a également été fermée par la France. La même année que la fermeture de Medya TV, Roj TV a commencé à émettre au Danemark. La Turquie a exercé une pression intense sur le Danemark au sujet de Roj TV, ce qui a conduit à la fermeture de la chaîne en 2013. Après Roj TV, Nûçe TV et Stêrk TV ont été créées. Cette tradition télévisuelle se poursuit aujourd’hui avec Medya Haber, et Çîra TV, établie à Şengal, qui a survécu au génocide que Daech a voulu mettre en œuvre, et de nombreuses autres chaînes de télévision.

Özgür Gün TV.

Özgür Gün TV, fondée en 1994 à Amed, a été la première chaîne turque à demander à la régie de la télévision, le 23 mars 2004, d’émettre en kurde. Après avoir reçu l’autorisation deux ans plus tard, elle a diffusé Dergûşa Çandê, programme culturel et artistique en dialecte kurmandji le 23 mars 2006. La télévision, qui a ensuite étendu sa couverture à l’échelle nationale, a été fermée en 2016 en vertu d’un décret-loi (KHK).

JinTV, première chaîne des femmes.

JİN TV, la première chaîne de télévision féminine où toutes les employées sont des femmes, a été créée le 8 mars 2018 et émet toujours.

Azadiya Welat.

Azadiya Welat a été le premier quotidien kurde de Turquie. Publié hebdomadairement 26 février 1994 à 2006, Azadiya Welat est devenu un quotidien le 15 août 2006. Face à la pression, il change de nom et devient Dengê Welat le 24 mars 2007, Welat en novembre 2008, Rojev le 16 avril 2009, Hawar le 6 mai 2009, Rojev le 13 novembre 2009 et de nouveau Rojev le 31 mars 2010, date à laquelle Azadiya Welat a cessé de paraître. Les pressions ne se sont pas limitées à la fermeture du journal. Elles se sont également manifestées de manière continue par les sanctions imposées à ses rédacteurs en chef. Le journal a été fermé par décret en 2016. (ndlr : c’est aujourd’hui le journal Xwebûn qui a pris la relève).

De Özgür gündem à Yeni yaşam.

Après la fermeture du journal Özgür Ülke, Yeni Politika a été lancé le 13 avril 1995. Après que Yeni Politika a subi le même sort, la publication indépendante s’est poursuivie sous différents noms. Après 17 ans d’interdiction, le journal Özgür Gündem a repris sa publication le 4 avril 2011 et a continué à être la voix du peuple kurde. Cependant, les pressions contre Özgür Gündem se sont poursuivies. Le journal a été condamné à d’innombrables amendes et de nombreux numéros ont fait l’objet de poursuites judiciaires et d’ordonnances de confiscation. L’imprimerie Gün, où le journal était imprimé, a fait l’objet d’une perquisition et même des numéros non publiés ont été confisqués. Özgür Gündem, qui n’a pas cédé aux pressions et aux intimidations, a été temporairement fermé le 16 août 2016. Le 29 octobre 2016, sa fermeture a été ordonnée par un décret ayant force de loi (KHK). Après la fermeture d’Özgür Gündem, Özgürlükçü Demokrasi a commencé à paraître. Un administrateur a été nommé (ndlr : par l’État) pour le journal, qui a continué à paraître pendant une courte période. C’est pour cette raison que le journal Yeni Yaşam, toujours en cours de publication, a été fondé.

Années 2000 : l’époque des agences de presse.

Dans les années 2000, outre l’écriture et la photographie, l’audio et la vidéo ont commencé à être davantage utilisés dans la presse. La première agence établie dans la presse kurde a été fondée en exil. Après l’agence DEM établie en Allemagne, l’agence de presse Mésopotamie (MHA) a été créée à Francfort. Avec la fermeture de MHA par la police allemande, la répression de la presse kurde a pris une dimension internationale. Les journalistes de MHA ont immédiatement fondé l’agence de presse Fırat News Agency (ANF), basée en Belgique. Bien que l’État turc n’ait pas réussi à fermer ANF malgré toutes ses tentatives, son site web a été bloqué en Turquie. ANF, qui a fait l’objet de nombreuses cyber-attaques, continue de subir des pressions.

DIHA.

L’agence de presse Dicle (DİHA), première agence de presse kurde établie en Turquie, a été fondée le 4 avril 2002. DİHA a commencé à diffuser avec la devise “Ne jamais transiger sur la vérité” et a publié en kurde, en turc et en anglais. Après l’arrestation de plusieurs de ses journalistes, DİHA a résisté à toutes sortes de pressions. DİHA, comme Özgür Gündem, a été fermée par un décret-loi publié le 29 octobre 2016. En mars 2017, 27 journalistes de DİHA se trouvaient dans différentes prisons en Turquie.

La première agence de femmes journalistes.

JINHA, la première agence de presse en Turquie dont les employées sont toutes des femmes, a été fondée le 8 mars 2012 à Amed. Elle est devenue la voix des femmes. Elle a été fondée dans le but de produire des nouvelles par et pour les femmes et pour changer le langage masculin de la presse. Par exemple, pour ne pas reproduire le système patriarcal, l’agence avait pris l’habitude de désigner les personnes par leur nom et prénom, puis seulement par le nom qu’elles voulaient donner. JINHA, comme de nombreux autres médias kurdes, a été fermé par un décret d’état d’urgence le 29 octobre 2016.

DIHABER.

DIHABER, qui a commencé à diffuser le 14 novembre 2016 avec le slogan “La vérité ne restera pas dans l’obscurité” contre l’obscurité de l’état d’urgence et des décrets-lois, a été fermé par le décret-loi n° 693 du 25 août 2017, publié à l’heure la plus sombre de la nuit. Malgré toutes les attaques, Dihaber a résolument suivi sa tradition de la presse indépendante, sans compromis. Dihaber a diffusé ses informations en kurde, en turc et en anglais. 

L’agence Mezopotamya.

L’agence Mezopotamya (MA) a commencé à publier le 20 septembre 2017. Notre agence, qui collecte des nouvelles de Turquie et du Moyen-Orient avec ses dizaines de reporters et les diffuse instantanément, visuellement et par écrit, en turc, en kurde et en anglais, poursuit sa lutte pour apporter la vérité au public malgré toutes les pressions, les détentions et les arrestations.

Sujîn et JinNews.

Şûjin, lancée le 19 décembre 2016 après la fermeture de JINHA avec le slogan “Être comme une aiguille dans la langue des médias“, publié en turc, Kurmandji et Sorani, anglais et arabe. Şûjin, c’est une grosse aiguille en kurde. Le journal a été fermé le 25 août 2017 par un décret. À la suite de la fermeture de Şûjin, JinNews a été fondée le 25 septembre 2017. JinNews continue de publier en turc, en kurmandji et en dialectes kurdes Dimilki, en arabe et en anglais.

La presse libre au Rojava.

La tradition initiée par le magazine Hawar en Syrie s’est poursuivie malgré toutes les pressions, bien qu’avec des pauses. Pour la première fois au Rojava, un magazine arabe a été publié en 1986 sous le nom de Dengê Kurdistan. Plus tard, un journal kurde-arabe a été publié sous le nom de Berxwedan. Au cours de la même période, un magazine intitulé Sorgul a été publié à Beyrouth afin de mieux faire entendre la voix du peuple kurde dans le monde arabe. De nombreux intellectuels et écrivains arabes ont écrit dans ce magazine. Le magazine a été distribué dans tout le Rojava et en Syrie. Au plus fort de la répression, le simple fait de lire et de posséder le magazine était considéré comme une infraction pénale.

Ces efforts, qui se sont poursuivis de manière régulière, se sont transformés en révolution pour la presse avec le mouvement de soulèvement populaire qui a débuté en Syrie en 2011. Les journalistes de la région ont créé le journal Ronahi, l’agence de presse Hawar et la chaîne de télévision Ronahi.

ANHA.

La presse kurde du nord et de l’est de la Syrie a retrouvé un terrain d’expression avec la prise de Kobanê le 19 juillet 2012. L’agence de presse Ajansa Nûçeyan a Hawar (ANHA) a alors été créée. Fondée le 1er mars 2013 par un groupe de journalistes kurdes, elle a commencé son travail dans une maison en briques de terre, puis est devenue l’organe de presse le plus important du nord et de l’est de la Syrie. De nombreux journalistes travaillant pour ANHA ont été assassinés.

La voix du Rojava.

Dans la tradition de la presse libre, l’expérience de diffusion télévisuelle qui a commencé avec Med TV s’est poursuivie malgré sa fermeture sous les pressions. Ronahi TV a broadcasté son émission test le 20 octobre 2011, mais n’a pu émettre que pendant 3 heures au début. Cette durée est rapidement passée à 10 heures et, début 2014, à 24 heures sans interruption. Gérée initialement depuis un centre à Bruxelles, la chaîne a rapidement déplacé son centre d’information dans le nord et l’est de la Syrie. Ronahi TV, qui possède désormais des studios dans tous les cantons de la région, a réussi à devenir une chaîne de télévision qui présente dans le monde entier les développements de l’actualité au Moyen-Orient ainsi que ceux de la “révolution du Rojava”.

Le journal Ronahî.

Fondé le 14 octobre 2011 par un groupe de huit intellectuels et journalistes venus de trois cantons du nord et de l’est de la Syrie, Ronahî paraît encore aujourd’hui. Le premier numéro du journal a été publié le 16 octobre 2011. Il était imprimé une fois par semaine en arabe à ses débuts. Ce journal de 12 pages aborde théorie, politique, les actualités du Kurdistan, des rubriques culturelles… 500 numéros ont été publiés. Le nombre de pages du journal, devenu bi-hebdomadaire, est passé de 12 à 20, et son tirage se fait à présent à 10 000 exemplaires. Distribué dans le nord et l’est de la Syrie, le journal est également imprimé en kurde.

La radio au Rojava.

Cudî FM, la première radio diffusant dans le nord et l’est de la Syrie, a commencé à émettre à Qamişlo le 20 octobre 2012. Par la suite, Kobanê FM a débuté ses émissions à Kobanê le 19 novembre 2012 et Rojava FM le 1er avril 2013. De même, à Efrîn, Efrîn FM a pris l’antenne le 1er septembre 2013. Entre 2014 et 2015, de nombreuses chaînes de radio telles que Dirbesiye FM, Waşokani FM, Dengê Xabûr, Dengê Xweseriya Demokratîk et Rojava FM ont été créées. En 2017, Radio Star, une station de radio féminine, a commencé à émettre.

Rojnews dans la région autonome du Kurdistan en Irak.

La tradition de la presse libre s’est poursuivie dans la région autonome du Kurdistan en Irak. L’organisation de presse libre la plus importante y est l’agence de presse RojNews, fondée en 2014. Celle-ci diffuse en kurde, en sorani, en turc et en arabe.

Alors que dans les onze derniers mois, 34 journalistes ont été incarcérés en Turquie, malgré la répression, de nombreuses chaînes de télévision, journaux et magazines kurdes continuent de diffuser dans de nombreux endroits avec la même persistance qu’au premier jour.