Suède : Les manifestants.es demande une troisième voie loin de l’OTAN et de la Russie

Juin 15, 2023A la une, Actualités, Europe

Medya News s’est entretenu avec Andreas, porte-parole du Comité suédois de solidarité avec Rojava, afin de discuter de la crise actuelle en Suède. En effet, le pays à demandé à adhérer à l’OTAN, mais sa candidature est pour l’instant suspendue au veto de la Turquie, qui demande à Stockholm de mettre en place un ensemble de mesures criminalisant les Kurdes et le mouvement de solidarité avec le Kurdistan.

Ce résumé de l’entretien a été traduit et édité par Serhildan, il est disponible en version intégrale en vidéo et en anglais sur le site de Medya News. Photos Rojjavakomitterna.

MAJ : Lors d’une nouvelle rencontre tripartite Turquie, Suède et Finlande le 14 juin, Erdogan a une nouvelle fois conditionné sa signature pour l’adhésion de la Suède à l’OTAN – que les Etats-Unis souhaiteraient voir advenir avant le sommet de Vilnius du 11 et 12 juillet –  demandant d’abord que la Suède “fasse sa part”.

La Suède est sur le point de rompre avec une tradition de neutralité relative et d’adhérer à l’alliance militaire de l’OTAN, en faisant une série de concessions afin de convaincre la Turquie de lever son veto qui bloque jusqu’à présent l’adhésion du pays nordique.

Des milliers de personnes se sont récemment rassemblées à Stockholm, la capitale suédoise, pour protester contre l’adoption d’une loi antiterroriste – largement considérée comme une concession à la Turquie – qui exige que la Suède réprime sa propre communauté kurde, mette fin à son engagement diplomatique et humanitaire au Kurdistan et déporte vers la Turquie les Kurdes résidant en Suède.

La manifestation, organisée par l’Alliance contre l’OTAN, le Comité suédois de solidarité avec Rojava (Rojavakommittéerna), le Parti de gauche, le Centre démocratique de la communauté kurde en Suède (NCDK-S) et l’association Tout pour tous (Förbundet Allt åt alla), avait pour but de montrer le soutien aux Kurdes et aux forces démocratiques en Turquie et d’exprimer leur opposition à l’adhésion de la Suède à l’OTAN. Les participant·e·s avaient amené un nombre important de drapeaux du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et de pancartes représentant le leader du PKK, Abdullah Öcalan, un pied-de-nez vis-à-vis des appels de la Turquie aux autorités suédoises demandant leur interdiction.

Quelles sont les principales raisons pour lesquelles les Suédois·e·s protestent contre l’adhésion à l’OTAN ?

Il y a plusieurs raisons. La Suède est un pays neutre depuis plus de 200 ans. Nous n’avons jamais eu de problème avec l’OTAN. Depuis le début, l’opinion publique suédoise s’est accordée à ne pas adhérer à l’OTAN. Il y a toujours eu un large consensus à ce sujet. Lorsque la guerre en Ukraine a commencé, l’opinion publique a commencé à changer. La droite a mené une propagande acharnée et est parvenue à convaincre le chef du gouvernement social-démocrate de déposer une demande d’adhésion à l’alliance.

En tant que Comité pour le Rojava, il est devenu clair que nous ne voulions pas d’une alliance avec la Turquie. Nous avons réussi, lors de l’invasion turque du Rojava, à faire en sorte que la Suède et la Finlande annulent leurs ventes d’armes à la Turquie. Immédiatement, lorsque le processus [d’adhésion à l’OTAN] a commencé, ils ont parlé de mettre fin à cet embargo. Nous avons donc commencé à manifester.


Comment cette opposition historique à l’adhésion à l’OTAN s’est-elle dissipée ?

Cette opposition est venue du mouvement ouvrier et du mouvement anti-guerre lors de la Première Guerre mondiale… Cela a toujours été un débat. Pendant la Seconde Guerre mondiale, nous avons laissé l’Allemagne passer par la Suède, mais nous avons maintenu une alliance dans l’ombre avec l’Angleterre… Nous ne sommes pas neutres à 100 %, mais nous sommes « sans alliance ». Et nous ne faisons pas partie de l’OTAN, qui est l’une des plus grandes organisations faiseuse de guerre de l’histoire. La droite nous a toujours poussés à entrer dans cette alliance, mais l’opinion publique n’était pas intéressée. Mais progressivement, même les sociaux-démocrates s’y sont mis. J’ai fait mon service militaire il y a 20 ans, et juste après nous nous sommes mis à utiliser les munitions de l’OTAN. Ensuite, nous avons mené des exercices avec l’OTAN, tout en disant que nous n’essayons pas d’adhérer à l’alliance, mais simplement de coopérer avec elle.

Comment le public suédois a-t-il réagi à vos protestations contre l’adhésion à l’OTAN ?

La Suède est un pays où l’on est très doué·e·s pour obéir aux ordres du pouvoir. Nos médias disaient « si vous dîtes quoi que ce soit contre l’OTAN, vous êtes comme la Russie », ce qui est une connerie – il n’y a pas que deux camps. C’est la même chose que les décisions prises pour la révolution du Rojava : devons-nous rejoindre le régime ou les « rebelles » ? Non, nous suivons notre propre voie. Il y a une troisième voie à suivre. Et c’est de là que vient une partie de l’inspiration. Quand nous avons commencé nos actions, des médias nous ont appelé et ils ont été très solidaires, tout simplement parce qu’ils se sentaient aux aussi réduits au silence et qu’ils savent que la Turquie est le pire pays du monde pour les journalistes.


Pensez-vous que le gouvernement suédois répondra aux exigences d’Erdoğan ?

Il y avait un accord pour extrader je crois 30 personnes. Puis Erdoğan est rentré chez lui et a dit que nous étions d’accord pour extrader 73 personnes. De plus, le Premier ministre suédois ne peut pas dire si nous extraderons des personnes : c’est à la justice de le faire. Pour l’une des personnes figurant sur cette liste, la Cour suprême a estimé qu’elle ne pouvait pas être extradée. Bien sûr, c’est source de grande inquiétude pour les membres de la communauté kurde qui n’ont pas la nationalité suédoise, ils et elles ne savent pas ce qui se passe.

Pensez-vous que les manifestations peuvent influencer la politique du gouvernement ou que cet accord est une affaire réglée ?

La candidature de la Suède à l’OTAN est une question éternelle avec laquelle nous devons travailler. C’est la Turquie qui pose problème. Cela montre qu’il est possible d’interagir avec les politiques de nos gouvernements. Nous avons très bien vu lors de l’invasion du Rojava que si nous nous mobilisons suffisamment, nous pouvons influencer la position de notre gouvernement [en faisant pression pour la suspension des ventes d’armes, nous avons la possibilité d’influencer les politiques]. Il nous suffit de trouver les questions ou les sujets qui font réellement la différence.