Position d’İmralı : une solution politique démocratique est essentielle

Fév 15, 2024Expériences et analyses, Histoire

Le leader du PKK, Abdullah Öcalan, décrit son action en faveur de la paix dans la cellule d’isolement où il est détenu depuis 25 ans, comme la « position d’İmralı ». Ce 15 février 2024, cela fait 25 ans qu’il a été arrêté et emprisonné . À cette occasion nous traduisons et publions un article de Mezopotamya Ajansi qui revient sur l’historique de la lutte d’Abdullah Öcalan pour la paix ainsi que les multiples trahisons et refus de négociations de l’État turc.

Cela fait maintenant 3 ans qu’Öcalan est détenu incomunicado. Son dernier contact avec l’extérieur a été un appel de 5 minutes avec son frère. Ses derniers entretiens avec ses avocats datent de l’été 2019.

Abdullah Öcalan a permis à la résurrection des Kurdes en fondant le PKK en 1978 en affirmant haut et fort : « le Kurdistan est une colonie ». [Par son travail], il a porté les Kurdes et leur revendications identitaires et statutaires au niveau international. C’est en achevant le processus qu’il définissait comme une résurrection par la lutte armée que le leader du PKK s’est ensuite efforcé de chercher une solution politique pour la transition vers un « processus de libération » dans les années 1990.

Première étape : nous sommes prêts pour une solution politique

Le premier pas dans cette direction a été le cessez-le-feu unilatéral déclaré pour la première fois en 1993. Annonçant cette initiative lors d’une conférence de presse dans la Bekaa [Liban] le 19 mars 1993, Abdullah Öcalan a déclarait : « Nous voulons affirmer que nous sommes prêts à une éventuelle solution politique ». Cependant, la mort suspecte du président de l’époque, Turgut Özal, et l’incident des « 33 soldats » à Bingöl (1) ont rendu cette initiative infructueuse.

Attentat à la bombe en réponse à la solution

Après la mort d’Özal, l’État, passé dans d’autres mains, a répondu aux appels à une solution politique en accentuant la guerre. Pendant cette période, des attaques, incendies de villages, des meurtres en pleine rue – jamais élucidés – et une politique de disparitions forcées ont été lancées contre le PKK sous le nom « d’opérations transfrontalières » . Ces attaques n’ayant donné aucun résultat, en 1995, les autorités, par le biais d’intermédiaires, ont demandé un cessez-le-feu à Abdullah Öcalan. Répondant positivement à cette demande, celui-ci a annoncé le 15 décembre 1995 que le PKK avait déclaré un cessez-le-feu. Pendant ce processus, différentes tentatives de solution politique ont été poursuivies, mais le cessez-le-feu a été interrompu le 6 mai 1996, à la suite d’un attentat à la bombe près de la maison où Abdullah Öcalan séjournait à Damas. Ce dernier, dont la mort avait été annoncée au monde entier mais qui avait survécu par chance, a déclaré le même jour sur MED TV : « Nous disons “paix, fraternité”, nous disons “mettons fin à cette guerre” et nous recevons des bombes en retour ».

La conspiration après le troisième cessez-le-feu

En 1998, Necmettin Erbakan, le président du Parti de la prospérité, arrivé au pouvoir [en Turquie], a transmis indirectement une demande de cessez-le-feu unilatéral du PKK. Ferme dans sa position de recherche d’une solution politique, Abdullah Öcalan l’a alors déclaré pour la troisième fois le 1er septembre de la même année, journée mondiale de la paix. Les puissances mondiales, ne peuvant réaliser leur objectif d’anéantissement via cette solution politique, ont alors décidé de liquider totalement [le mouvement]. Mettant en œuvre une conspiration internationale, les États-Unis ont commencé à exercer une pression politique et diplomatique sur la Syrie, où se trouvait Abdullah Öcalan. Le gouvernement de Damas cédant aux pressions, Abdullah Öcalan a dû quitter la Syrie le 9 octobre 1998. Le complot international s’est mis en œuvre étape par étape. Abdullah Öcalan, arrivé en Grèce le même jour, a maintenu le cessez-le-feu pendant 130 jours, jusqu’au 15 février 1999, date à laquelle il est enlevé et emmené en Turquie, ce qu’il a qualifié de « crucifixion ». PKK a alors annoncé la fin du cessez-le-feu unilatéral.

De grands efforts de paix dans une cellule solitaire

Abdullah Öcalan, avec trois cessez-le-feu déclarés entre 1993 et 1998, avait cherché à envoyer un message à l’État : le problème ne pouvait être résolu que par le dialogue politique et non par des méthodes militaires. Il a maintenu cette position sur l’île d’İmralı, malgré l’isolement. Au cours de ses procès, qui ont débuté à Imralı en 1999, le leader du PKK a fait une déclaration et une défense qu’il a publié sous le titre « Le dilemme de la solution et de la non-solution dans la question kurde ». Malgré sa condamnation à mort, Abdullah Öcalan a poursuivi avec une grande détermination le processus qu’il avait lancé unilatéralement de sa propre initiative et appelé « Grand effort de paix ». Le 1er septembre 1999, il déclare un cessez-le-feu pour la quatrième fois et appelle au retrait des forces armées de la frontière.

Groupes de solution démocratique

Malgré des conditions sévères d’isolement, Abdullah Öcalan prend des mesures pour faire venir en Turquie deux groupes en faveur de la paix, depuis Qandil et Mexmûr [Bashur] et l’Europe, qu’il appelle « groupes pour la paix et la solution démocratique ». Le 1er octobre 1999, le premier groupe de Qandil est arrêté dès son arrivée en Turquie et tous ses membres sont condamnés à des peines de prison. Le 29 octobre 1999, les membres du deuxième groupe, entrés en Turquie en provenance d’Europe, sont également arrêtés et condamnés à des peines de prison allant de 7 à 15 ans chacun.

Une main tendue pour la paix, en vain

Malgré ces arrestations, Abdullah Öcalan a continué d’insister sur la recherche d’une solution en déclarant « Je me bats pour la paix. La guerre pour la paix est plus difficile que la guerre à l’extérieur ». Il a présenté entre autres le « projet de paix » le 20 janvier 2000, le « plan d’action urgent pour la démocratie et la paix » le 4 novembre 2000, la « déclaration de revendications urgentes » le 19 juin 2001 et une « déclaration de solution urgente » le 22 novembre 2002 au président de la République, au président du Parlement, au Premier ministre, au chef d’état-major général et à tous les partis politiques au cours du processus de cessez-le-feu qui s’est poursuivi jusqu’en 2004. Malgré tous ces efforts, la main tendue pour la paix l’a été en vain.

Déclaration de réconciliation et de solution

Après 1999, Abdullah Öcalan, dont toutes les tentatives de résolution de la question kurde avaient jusqu’alors été rejetées par l’État, appelle le gouvernement de l’AKP, arrivé au pouvoir lors des élections du 3 novembre 2002, à négocier. Il annonce le 13 août 2003 une déclaration de solution en 10 points, sous le nom « Déclaration de réconciliation et de solution ». Abdullah Öcalan qualifie cette déclaration de « feuille de route » et en propos les évaluations suivantes : « Si le gouvernement accepte le dialogue et la solution sur cette base, le processus de paix se développera mutuellement jusqu’en 2005. Lorsque ce programme de mesures sera accepté, un cessez-le-feu bilatéral clair sera le premier pas vers une solution démocratique. »

Malgré l’initiative, aucune mesure positive n’est prise par le gouvernement, tandis que le système d’isolement de l’île d’İmralı est renforcé. Face à cette approche, le PKK met fin à cinq ans de cessez-le-feu le 1er juin 2004.

La repentance imposée contre les efforts de paix

Abdullah Öcalan, qui continue à insister sur une solution démocratique à la question kurde face à l’aggravation de la guerre, rédige ensuite la « Feuille de route pour la paix » , en 2005. Le PKK exige la promulgation d’une loi sur la participation démocratique pour que ses forces armées quittent les montagnes, ce à quoi le gouvernement AKP répond par une loi sur « le retour à la maison », qui comprend l’imposition de repentances [pour les militants.es du PKK].

Insistance sur la démocratisation de la Turquie

Abdullah Öcalan, qui a poursuivi ses appels à la paix en réponse au conflit tout au long de l’année, souligne dans les messages qu’il envoie au public par l’intermédiaire de ses avocats en 2006 que la guerre ne serait pas une solution et affirme : « Nous voulons que l’effusion de sang cesse et que la Turquie soit démocratisée. Depuis plus de dix ans, nous poursuivons nos efforts en faveur de la paix, mais le point que nous avons atteint est évident : le sang continue de couler. Malgré tous mes efforts de paix, ils pensaient que je n’étais pas sincère. Mais malgré cela, j’ai poursuivi mes efforts avec persévérance ».

L’AKP poursuit sur la guerre, sans résultats

Après avoir échoué à obtenir des résultats avec son insistance à poursuivre la guerre contre la politique de paix d’Abdullah Öcalan, l’AKP commence à prendre des mesures pour un nouveau processus de paix par l’intermédiaire du MİT [services de renseignements turcs]. Ce processus est entamé en 2008 à İmralı entre le sous-secrétaire du MİT Emre Taner et Abdullah Öcalan. Il se poursuit par une série de réunions connues sous le nom de « pourparlers d’Oslo » entre les dirigeant·e-s de l’Union des communautés du Kurdistan (KCK) et des représentants de l’État à Oslo, la capitale de la Norvège, pays coordinateur.

Si nous trouvons une solution, le futur s’ouvrira pour la Turquie

L’année 2009, au cours de laquelle les pourparlers se poursuivent, est également marquée par des débats sur la question de savoir si un nouveau processus devrait s’engager sur la question kurde. Le président de l’époque, Abdullah Gül, déclare que « de bonnes choses se produiront » au niveau de la question kurde, lors de sa visite à Téhéran le 11 mars 2009. Lors de sa visite à Prague le 9 mai, il affirme : « Que vous l’appeliez terrorisme, Sud-Est ou question kurde, c’est la question la plus importante de la Turquie et elle doit être résolue », insistant donc sur les négociations démocratiques. Abdullah Öcalan, qui analyse les déclarations de M. Gül lors de ses rencontres avec ses avocats en 2009, déclare : « Les déclarations de M. Gül sont importantes. Surtout si l’on considère l’histoire des relations turco-kurdes, elles peuvent avoir des conséquences qui peuvent jouer un rôle historique. Je prendrai mes responsabilités à cet égard (…) Ils ne doivent pas avoir peur. Si ces deux peuples, le peuple kurde et le peuple turc, ne se battent pas l’un contre l’autre, personne ne peut nous faire quoi que ce soit. Si nous résolvons ce problème en tant que deux peuples, la voie de la Turquie sera tracée et la Turquie deviendra le premier pays du Moyen-Orient. »

Proposition de constitution de 1921 en vue d’une solution

A cette époque, Abdullah Öcalan, propose au gouvernement turc la Constitution de 1921 (2) comme base de travail pour résoudre la question kurde. Il déclare : « S’il doit y avoir une solution, la Constitution de 1921 doit être prise comme base. Je ne reconnais aucun autre document que celui-ci (…) La Constitution de 1921 est une constitution dans un cadre démocratique ; c’est un document de libération nationale commune aux Kurdes et aux Turcs. Cette constitution est la constitution commune des Kurdes et des Turcs. Elle prévoit l’autonomie des Kurdes ».

« La voie de la politique démocratique doit être ouverte ».

À la lumière de tous ces développements, le KCK annonce un cessez-le-feu le 31 mai 2009 afin d’ouvrir la voie à une solution pour le gouvernement AKP. Le 15 août, Abdullah Öcalan, afin de contribuer au processus lancé par le gouvernement d’ouverture vers les Kurdes, d’unité nationale et de fraternité, présente au public sa « feuille de route » de 156 pages, composée de 10 rubriques principales. Elles font état de ses principes de nation démocratique, de république démocratique, de constitution démocratique et de solution démocratique. Avec cette feuille de route, Abdullah Öcalan lance l’appel suivant à l’État : « Une mentalité démocratique, une discussion démocratique, un fonctionnement démocratique, une politique démocratique, une organisation démocratique et une constitution démocratique sont nécessaires pour résoudre [le] problème. Ce problème ne peut être résolu sans une constitution démocratique. S’il y a des négociations démocratiques, la solution se développera. Soyez courageux à cet égard, ouvrez la voie à une solution politique démocratique. Ouvrez la voie à une politique démocratique. Ouvrez la voie à la paix. Ouvrez la voie à la négociation démocratique. »

Proposition de solution démocratique en trois étapes

Abdullah Öcalan affirme alors que la proposition de solution démocratique en trois étapes – exposées dans la feuille de route lors de ses entretiens avec les avocats en 2009 – est un projet visant à assurer l’avenir de la Turquie à long terme et déclare : « La première étape consiste à ce que l’État garantisse tous les droits des Kurdes. Il devra nous rassurer et nous convaincre sur cette question. Nous prouverons à l’État que nous ne sommes pas des séparatistes. […] Deuxièmement, nous déclarerons que nous n’utilisons pas la violence comme méthode. L’État acceptera également une solution démocratique et prendra en compte les cinq dimensions des Kurdes. Il permettra aux Kurdes de se gouverner eux-mêmes. Si tel est le cas, le retrait de la frontière sera réalisé dans un deuxième temps. Dans un troisième temps, l’État traduira les assurances qu’il a données dans une législation légale et élaborera une constitution, des lois et des règlements. Il modifiera la législation existante. Dans la mesure où l’État fera [cela], il y aura des résultats. »

Troisième groupe de paix pour la sincérité

Abdullah Öcalan […] demande alors qu’un nouveau groupe de paix soit envoyé en Turquie. […] À son appel, 34 personnes, dont 4 enfants de Qandil et Mexmûr, entre en Turquie le 19 octobre 2009 par la porte frontalière de Habur, dans le district de Silopî de la province de Şirnex. Il est accueilli par plus de 50 000 personnes, ce qui agace les groupes nationalistes. L’arrivée du deuxième groupe en provenance d’Europe est annulée en raison de la pression exercée par ces forces et de l’incapacité du gouvernement à soutenir ce processus. Peu après, des poursuites sont engagées contre 30 personnes du premier groupe et 17 d’entre elles sont arrêtées.

Ces politiques de l’AKP ne produiront pas de résultats

Après l’arrestation des membres du groupe de paix et l’échec de toutes leurs tentatives, Abdullah Öcalan analyse la situation lors de ses réunions avec ses avocats […] : « L’AKP a distrait tout le monde pendant sept ans en appelant a une initiative démocratique pour la solution à la question kurde. Avec cela, ils ont également bénéficié de nombreux votes [à l’occasion de divers scrutins]. Ils ont ainsi détourné l’attention des Kurdes, de l’Europe et des États-Unis. Mais il est désormais clair qu’il s’agit d’un jeu pour nous liquider. Les Kurdes devraient également s’en rendre compte. Ces politiques de l’AKP ne donneront plus de résultats. Le comportement du CHP et du MHP n’apportent [eux non plus] rien de nouveau à la société. »

Des milliers d’arrestations dans le cadre de l’opération contre le KCK

La Cour constitutionnelle de Turquie ordonne la dissolution du Parti de la société démocratique (DTP) le 11 décembre 2009. Ahmet Türk et Aysel Tuğluk (3) sont déchus de leurs sièges parlementaires. Le 25 décembre, des milliers d’hommes et femmes politiques kurdes, dont les avocats d’Abdullah Öcalan, sont arrêtés dans le cadre d’enquêtes menées sous le nom « d’opérations KCK ».

Grève de la faim contre l’isolement d’Imralı

Ce processus est suivi par un renforcement de l’isolement sur l’île d’İmralı et Abdullah Öcalan n’est plus autorisé à rencontrer ses avocats après le 27 juillet 2011. Les prisonniers et prisonnièes du PKK et du PAJK entament alors une grève de la faim le 12 septembre 2012 afin de protester contre l’aggravation de l’isolement sur l’île d’İmralı et l’absence de nouvelles. Suite à cette action, qui dure 68 jours, avec la participation de milliers de personnes, l’AKP est obligé de frapper à nouveau à la porte d’İmralı.

2013 : « cela fait 20 ans que je travaille pour la paix »

Abdullah Öcalan, que son frère Mehmet Öcalan a rencontré sur l’île d’İmralı, déclare alors que les grèves de la faim ont atteint leur but et appelle à y mettre fin. Tayyip Erdoğan, le Premier ministre de l’époque, annonce peu après dans un programme télévisé qu’il est en pourparlers avec Abdullah Öcalan. Par la suite, Ahmet Türk, alors coprésident du Congrès de la société démocratique (DTK), et Ayla Akat, députée d’Êlih du Parti de la paix et de la démocratie (BDP), se rendent sur l’île d’İmralı le 3 janvier 2013 et y rencontrent Abdullah Öcalan. Cette rencontre, au cours de laquelle Abdullah Öcalan déclare qu’il travaillent pour la paix depuis 20 ans, marque le début d’un soi-disant « processus de solution », qui s’étend jusqu’au 5 avril 2015. Avec le développement d’une atmosphère propice à une solution démocratique, le 21 mars 2013, lors du Newroz, Abdullah Öcalan appelle son peuple : « Désormais, laissez les armes se taire et laissez les idées et la politique s’exprimer ». Sa déclaration est intitulée « Adieu aux armes ».

Un tournant historique : l’accord de Dolmabahçe

L’étape la plus concrète et le tournant historique du dialogue et de ces négociations qui ont duré près de deux ans a été le consensus de Dolmabahçe, signé le 28 février 2015. Après l’annonce de cet accord, qui comprenait des articles sur la résolution démocratique et constitutionnelle de la question kurde, tout le monde s’attendait à ce que des mesures concrètes soient prises en vue d’une solution. Mais le résultat est contraire. Un jour après le message d’Abdullah Öcalan du 21 mars 2015, encore une fois lors du Newroz, dans lequel il déclare se préparer à appeler à « déposer les armes », Erdoğan, président de l’AKP, déclare qu’il ne reconnaît pas le « consensus de Dolmabahçe ». (4)

L’AKP renoue avec le concept de guerre

Avec la déclaration d’Erdoğan, les pourparlers entamés le 3 janvier 2013 prennent fin le 5 avril 2015 et l’AKP renoue avec la guerre. À l’approche des élections du 7 juin 2015, les attentats à la bombe contre les bureaux de Mersin et d’Adana du Parti démocratique des peuples (HDP) et l’attentat à la bombe contre le rassemblement du parti à Amed marquent une période de renouveau du conflit. N’ayant pas obtenu les résultats escomptés lors des élections, l’AKP met en œuvre ce concept de guerre et décide d’organiser de nouvelles élections. Le 1er novembre, au cours de la période précédant les nouvelles élections, un massacre a lieu à Suruç, dans le district de Pirsûs à Riha le 20 juillet 2015, au cours duquel 33 jeunes perdent la vie1. Le 24 juillet 2015, l’AKP, prétextant la mort de deux policiers dans le district de Serêkaniyê (Ceylanpınar) deux jours avant, lance la guerre totale.

Un plan de destruction des Kurdes est en œuvre

Il est alors révélé que l’AKP a décidé d’un plan en 10 étapes de destruction des Kurdes lors de la réunion du Conseil de sécurité nationale du 30 octobre 2014. Dans le cadre de ce plan, les député·e·s du HDP sont arrêté·e·s et leur immunité parlementaire levée ; des administrateurs et administratrices sont nommé·e·s dans les municipalités dirigées par le Parti des régions démocratiques (DBP) et les coprésident·e·s arrêté·e·s. [A la suite de la déclaration d’autonomie dans plusieurs villes, celles-ci] sont rasées et des couvre-feux sont décrétés au Kurdistan. Entre 2013 et 2015, Abdullah Öcalan avait prévenu que le mécanisme du coup d’État serait activé si une solution n’était pas trouvée. La tentative de coup d’État du 15 juillet 2016, conséquence de l’insistance de l’AKP sur la guerre, vient alors confirmer cet avertissement.

Position d’Imralı : la solution démocratique est essentielle

Dans un contexte de guerre qui s’aggrave, l’AKP impose l’État d’urgence. Lors du référendum de 2017, la constitution turque est modifiée, d’un régime parlementaire à un régime présidentiel : un « régime à homme unique ». Pendant cette période de répression intense, le système d’İmralı se transforme en un système d’isolement absolu. En 2019, après une pause de 8 ans, des visites d’avocats ont lieu sur l’île d’İmralı, à 5 reprises. Celles-ci interviennent sous la pression de l’opinion publique suite aux grèves de la faim qui ont débuté le 8 novembre 2018 sous la direction de la coprésidente du DTK, Leyla Güven. Celles-ci se sont étendues à toutes les prisons en raison de l’absence de nouvelles d’Abdullah Öcalan, pour qui les visites de la famille et les visites d’avocats ont été empêchées. En maintenant sa position sur la paix et la solution, Abdullah Öcalan souligne alors la nécessité d’une profonde réconciliation sociale et d’une négociation démocratique pour résoudre les problèmes et envoie le message suivant au public lors de son entretien avec son avocat le 2 mai 2019 : « (…) Notre position d’İmralı est déterminée à poursuivre la voie d’expression que nous avons énoncée dans la Déclaration de Newroz de 2013 en l’approfondissant et en la clarifiant. Pour nous, une paix honorable et une solution politique démocratique sont essentielles. »

Lors de réunions qui se tiennent le 22 mai et le 12 juin, Abdullah Öcalan répète une fois de plus que la solution doit se baser sur une paix honorable et une politique démocratique. Lors de la réunion du 12 juin, le leader du PKK souligne que l’existence et le développement du peuple kurde sont « synonymes de renforcement du peuple turc » et affirme : « nous devrions agir en fonction de cette réalité ». Abdullah Öcalan déclare également que cette unité « ouvrirait la voie à la démocratie et à la paix pour tous les peuples du Moyen-Orient ».

Appel à la sagesse de l’État : prêt pour une solution

Lors de sa dernière rencontre avec ses avocats le 7 août 2019, Abdullah Öcalan déclare qu’il est prêt à trouver une solution et ajoute : « J’essaie de faire de la place aux Kurdes, de résoudre le problème kurde. Je dis que je peux éliminer la possibilité d’un conflit en une semaine, je peux le résoudre, j’ai confiance en moi, je suis prêt pour une solution. Cependant, l’État et la mentalité étatique doivent également faire ce qui est nécessaire »

Ce problème est à la fois politique et juridique

 Abdullah Öcalan n’a pas été autorisé à rencontrer ses avocats depuis cette date. Il n’a pu bénéficier que d’un appel téléphonique interrompu abruptement avec son frère Mehmet Öcalan le 25 mars 2021. Réagissant à la manière dont cette réunion s’est déroulée et au fait qu’il n’a pas été autorisé à rencontrer ses avocats, Abdullah Öcalan a alors lancé un avertissement « (…) Comment ce problème se posera-t-il à l’avenir ? Ce problème ne peut être résolu que par la loi. S’il doit y avoir une rencontre, elle doit se faire avec les avocats. Car cette situation est à la fois politique et juridique. »

Aucune nouvelle d’Abdullah Öcalan n’est parvenue au cours des 35 mois qui ont suivi cet appel téléphonique interrompu. Avec le renforcement de l’isolement, contre les efforts de paix et de solution qu’Abdullah Öcalan définit comme la position d’İmralı, l’absence de solution au problème kurde reste le problème le plus brûlant de la Turquie.

Depuis le 9 octobre 2023, une campagne internationale pour la libération d’Abdullah Öcalan bat son plein. Depuis le 27 Novembre 2023, les prisonniers et prisonnières politiques sont en grève de la faim tournante dans les geôles turques. Sans nouvelle d’Abdullah Öcalan ils et elles menacent d’entamer une « grève de la faim à la mort » (refusant de prendre du sucre).

(1) – Soldat tué dans une embuscade

(2) – En application du traité de Sèvre qui prévoit l’autonomie du Kurdistan

(3) – Ahmet Türk ex président du DTP, ancien maire de Mardin, ancien député et Aysel Tuğluk est l’ex présidente du DTP et ancienne député.

(4) – Le consensus de Dolmabahçe » marque l’aboutissement d’un travail de discussions officielles de près de 2 ans entre le PKK et le gouvernement par l’intermédiaire du HDP