Halime, tiens bon !
Le 18 avril, notre camarade Halime, membre de l’organisation Sara de lutte contre les violences faites aux femmes, a été ciblée par une attaque de drone turc à Kobanê, Rojava. Face à ces attaques et à tous les féminicides politiques, les femmes* organisées en autonomie au sein du réseau Serhildan appellent à la solidarité féministe.
Chères camarades féministes,
Le 18 avril, notre camarade Halime a été ciblée par une attaque de drone turc au Rojava. Sa jambe droite a dû être amputée mais elle est en vie et a annoncé qu’aucune attaque ne pourrait briser sa détermination. Cette attaque a marqué le début d’une nouvelle phase dans la guerre de l’État turc qui vise à exterminer le peuple kurde et détruire les acquis de la révolution des femmes au Rojava et au Kurdistan. L’armée turque a commencé à envahir la région de Metina dans le Kurdistan du Sud (au Nord de l’Irak) où se trouvent les bases des guérillas qui constituent le cœur de la lutte contre le fascisme et le capitalisme. Une augmentation de l’intensité de la guerre est attendue ces prochaines semaines, elle s’inscrit dans le chaos produit au Moyen Orient et en particulier à Gaza par les intérêts des forces impérialistes. Le mouvement organisé des femmes du Rojava est une menace pour ces forces génocidaires et ouvre la voie pour une lutte féministe internationale. L’attaque visant Halime s’inscrit dans une longue série d’attaques de l’État turc contre des militantes révolutionnaires comme Firyal Silêman Xalid, Yusra Darwis, Leman Shweish, Nagihan Akarsel ou encore Jiyan Tolhildan.
On voudrait partager avec vous ce petit texte écrit pour Halime par une de ses camarades qui nous a profondément touchées car il montre que rien ne peut briser la résistance des femmes au Rojava.
On vous invite à écrire à Sara, l’organisation de lutte contre les féminicides dans laquelle Halime milite. Recevoir un message de soutien de la part de camarades de l’autre bout du monde dans un tel moment participe à l’emmagasinement de l’espoir, du courage et du sentiment de force internationale nécessaire pour continuer le combat dans de tel moments. L’idéal est d’écrire en arabe, kurde ou anglais, mais si cela n’est pas possible n’hésitez pas à écrire dans votre langue maternelle, elles pourront le faire traduire. Voici leur email : sara.organisation9113@gmail.com.
« Halime, tiens bon !
Dans la soirée du 18 avril 2024, une nouvelle attaque de drone turc a eu lieu au Rojava. Elle a touché Halime Mihemed Osman, porte-parole de l’organisation Sara pour la lutte contre les violences faites aux femmes, et son mari Elî Mistefa Osman. Nûdem Derya nous raconte :
Jeudi soir, 18 avril 2024 : Nous nous asseyons ensemble entre femmes et parlons de l’histoire qui a été écrite par les hommes. Nous discutons de la manière dont nous pouvons mettre en valeur l’histoire des femmes. Ce soir-là, des célébrations ont lieu dans toute la région pour marquer l’anniversaire du KJK, l’auto-organisation sociale globale du mouvement des femmes kurdes. Une structure qui a beaucoup contribué ces dernières années à rendre les femmes kurdes visibles et à les renforcer contre la violence coloniale de l’extérieur et de l’intérieur.
L’une d’entre nous regarde son téléphone et voit qu’une autre voiture a été attaquée à Kobané. Il y a une heure, nous parlions du fait que les choses sont censées être calmes et sures en ce moment, alors que de nombreuses femmes que nous connaissons sont en danger tous les jours.
À minuit, je consulte aussi mon téléphone. 35 messages dans le groupe WhatsApp de l’organisation de femmes Sara, avec laquelle je travaille. Chaque jour, nous luttons pour les droits des femmes, sur la base du contrat social et du droit de la famille, dans le cadre de l’autonomie démocratique. Peu de temps après, nous l’apprenons : L’attentat en question visait Halime Osman et son mari. Tous deux étaient à bord de leur voiture lorsque celle-ci a pris feu. Ces parents de cinq enfants sont maintenant à l’hôpital, c’est un miracle qu’ils soient en vie, la voiture est complètement brulée.
Halime va voir les femmes de Kobané chaque fois qu’il y a un problème, tôt le matin et tard le soir. Même avant la révolution, elle s’est organisée avec beaucoup d’autres habitants de Kobané contre le régime baasiste. Durant la lutte contre Daesh, elle a envoyé ses enfants hors de la ville et a participé à sa défense avec son mari. Depuis de nombreuses années, elle travaille principalement pour les droits des femmes à Kobané, pendant trois ans au sein du conseil d’administration de Sara, et en tant que porte-parole depuis septembre 2023.
Hier soir, l’État turc et ses alliés ont montré une fois de plus qu’ils n’acceptent pas la force des femmes. Qu’ils en ont peur. La pancarte de Sara indique aujourd’hui : “Nous savons que la libération, le développement et le progrès des femmes signifient le développement et le progrès de la société. C’est à dire la fin de la guerre et des troubles ainsi que l’instauration de la paix et de la démocratie. C’est pourquoi les femmes qui luttent sont prises pour cible”.
Ce matin, toutes les femmes des organisations sociales se rassemblent. C’est un vendredi, un jour férié, mais cela n’a pas d’importance. Nous ne sommes pas en vacances. Nous sommes en colère ensemble, nous discutons, nous faisons une déclaration. Nous sommes solidaires.
Halime, tiens bon, tu as déjà montré tant de force, reste forte ! »
Rêxistina Sara
L’organisation Sara de lutte contre les violences faîtes aux femmes a été créée en Juillet 2013 au Rojava. Elle tient son nom de celui de Sakine Cansiz (surnommée Sara), fondatrice du PKK et du mouvement des femmes kurdes, assassinée à Paris le 9 janvier 2013 dans un féminicide politique commandité par l’État turc, aux côtés de Fidan Dogan et Leyla Shaylemez. Sara combat donc les violences conjugales, les violences physiques et sexuelles, les féminicides. Elle lutte aussi pour la santé mentale des femmes et la prévention des suicides. D’abord déployée dans les régions à majorité kurde, l’organisation est maintenant présente dans toutes les régions du nord et de l’est de la Syrie.